Verdict en vue au procès de l'attentat de Nice
La cour d'assises spéciale de Paris livre mardi après-midi son verdict dans le procès de l'attentat de Nice, qui avait fait 86 morts le 14 juillet 2016, un dénouement judiciaire espéré autant que redouté par les victimes.
Après plus de trois mois d'audience, les cinq magistrats professionnels doivent, en répondant à 81 questions, dire leur "intime conviction" sur le rôle des huit accusés, dont aucun n'est jugé pour complicité de l'attentat.
L'assaillant, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, 31 ans, qui avait foncé au volant d'un camion-bélier sur la foule rassemblée Promenade des Anglais, avait été abattu par la police au terme de sa course meurtrière. Il a été au cœur des débats.
Son acte avait été revendiqué par le groupe Etat islamique, mais aucun lien n'a pu être mis en évidence entre le mouvement jihadiste et le chauffeur-livreur tunisien.
En son absence, "il y aura des frustrations, c'est inévitable", a prévenu le parquet national antiterroriste (Pnat) à l'adresse des quelque 2.500 parties civiles constituées.
L'avocate générale Alexa Dubourg a souligné que le procès ne compenserait pas la douleur "immense, insondable" des endeuillés et des rescapés. "Juger toutes les responsabilités ne veut pas dire faire porter le poids de l'absent aux accusés", a-t-elle ajouté, "ce qui sera juste, c'est que les peines soient adaptées à la responsabilité de chacun".
De l'avis des avocats de la défense comme des parties civiles, les débats n'auront toutefois pas permis de dissiper toutes les "zones d'ombre" sur le rôle de chaque accusé.
Le Pnat a requis quinze ans d'emprisonnement contre les trois hommes poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste (AMT), mais demandé l'abandon de la qualification "terroriste" contre l'un d'eux, Ramzi Arefa, qui "ne pouvait connaître la radicalisation" du tueur au vu de leurs contacts réduits.
Ce Niçois de 27 ans a reconnu avoir fourni un pistolet à l'assaillant, qui s'en était servi lors de l'attentat sans faire de blessé. "Je suis coupable d'avoir vendu une arme, sans y réfléchir. Et depuis, ça fait plus de six ans que j'arrête pas d'y réfléchir", a-t-il assuré lundi.
C'est le seul accusé qui encourt la perpétuité, car en situation de récidive en raison d'une condamnation pour vol en 2014.
- "Vérité judiciaire" -
Selon le Pnat, Mohamed Ghraieb, Franco-Tunisien de 47 ans, et Chokri Chafroud, Tunisien de 43 ans, "savaient" en revanche "que Lahouaiej Bouhlel était en mesure de commettre un attentat", même s'ils ont "commis des faits moins incriminants".
Leurs avocats ont réclamé l'acquittement des deux hommes, qui risquent vingt ans de prison, fustigeant la "pauvreté" des preuves présentées contre eux.
Les cinq autres accusés sont jugés pour trafic d'armes ou pour association de malfaiteurs, sans qualification terroriste.
Le Pnat a requis de deux à dix ans de prison à leur encontre.
"Le temps est maintenant venu de cette seule vérité judiciaire", a souligné Pauline Marcé, avocate de parties civiles, lors de sa plaidoirie, la souhaitant "ni arbitraire, ni vengeresse, mais juste individualisée, équitable".
Le verdict ne sera toutefois pas forcément synonyme de soulagement pour les victimes qui, comme depuis le début du procès, pourront assister au verdict à Paris ou dans la salle de retransmission spécialement installée à Nice.
Certaines reprochent à l'enquête de ne pas avoir exploré toutes les pistes ou se disent déçues par les peines requises.
"Il faudrait plus que quinze ans pour que les victimes soient soulagées", estime Magatte Seck, qui était présente sur la Promenade des Anglais avec ses deux filles.
"J'espère que la cour sera plus sévère que les réquisitions, je ne comprends pas ces peines demandées après tout ce qui a été dit à l'audience", a aussi déploré Anne Murris, présidente de l'association Mémorial des Anges, qui a perdu sa fille Camille le 14 juillet 2016.
Lors de leurs plaidoiries, les avocats de la défense ont appelé la cour à faire la part des choses entre "les souffrances des victimes" et l'"implication" réelle des accusés.
Me Adélaïde Jacquin a ainsi dit "faire confiance" à la cour pour "prendre du recul par rapport au caractère extraordinairement grave des faits" du 14 juillet 2016.
O.Pileggi--PV