Pérou: l'ex-président Castillo maintenu en détention pour 18 mois
Le président péruvien déchu Pedro Castillo a été maintenu jeudi en détention provisoire pour 18 mois par la Cour suprême du Pérou, alors que des milliers de ses partisans continuent à manifester à travers le pays pour réclamer sa libération.
L'ex-président de gauche radicale est incarcéré depuis sa destitution le 7 décembre, après une tentative ratée pour dissoudre le Parlement que ses adversaires ont qualifié de coup d'Etat manqué.
Le parquet, rappelant que M. Castillo avait essayé de se réfugier à l'ambassade du Mexique après sa destitution, réclamait son maintien en détention jusqu'en juin 2024 en invoquant un "risque de fuite". Poursuivi pour "rébellion" et "conspiration", l'ex-président encourt dix ans de prison, selon le procureur Alcides Diaz.
"On le sentait venir (...) Nous ne sommes pas allés à l'audience, car nous refusons de prendre part à cette mascarade", a dénoncé l'avocat de M. Castillo, Ronald Atencio, en annonçant qu'il allait faire appel.
Dans les rues, la mobilisation des partisans de Pedro Castillo ne faiblit pas malgré l'état d'urgence décrété mercredi pour 30 jours dans tout le Pérou. Cette mesure permet à l'armée de participer aux opérations de maintien de l'ordre.
Au moins dix personnes ont été tuées pendant des manifestations, dont deux jeudi lors d'un affrontement à l'aéroport d'Ayacucho (sud), selon le Défenseur du peuple (ombudsman) qui a également dénombré 340 blessés. La police a précisé que presque la moitié de ces blessés provenaient de ses rangs.
Les manifestations les plus virulentes ont eu lieu dans le sud du pays, où cinq aéroports restent fermés (Andahuaylas, Arequipa, Puno, Cuzco et Ayacucho).
Plus d'une centaine de routes sont bloquées par des protestataires à travers le pays, et le train vers le célèbre site du Machu Picchu a cessé de fonctionner, laissant en rade plusieurs centaines de touristes.
"Nous devons nous battre. Le président est Pedro Castillo", a dit à l'AFP Milagros Quispe Diaz qui, son bébé de cinq mois dans les bras, se dirigeait vers les abords du Parlement où se tiennent des rassemblements quotidiens depuis la destitution de M. Castillo par les députés.
De nombreux policiers et membres des forces armées étaient visibles jeudi soir dans le centre de Lima.
"Il faut une réponse énergique, autoritaire" face aux violences, avait lancé le ministre de la Défense Alberto Otarola, soulignant que l'état d'urgence comprenait "la suspension de la liberté de circuler et de réunion" avec "possibilité de couvre-feu".
- "Pas de justice" -
Devant la caserne de police où est détenu M. Castillo, à Até (est de Lima), nombre de ses soutiens campent et réclament sa libération.
Sa nièce, Vilma Vasquez, 42 ans, a dénoncé devant la presse l'absence de "justice".
"Dès le premier jour de sa prise de fonction et encore plus pendant la campagne, nous étions déjà des terroristes. Le jour où le président Castillo a pris ses fonctions, ils ne l'ont pas laissé gouverner, nous étions des voleurs, nous étions corrompus. Il n'y a pas de justice", a-t-elle dit.
Les adversaires du camp Castillo affirment qu'une partie de son soutien provient du Movadef, l'aile politique du Sentier Lumineux, la guérilla maoïste qui a fait des milliers de morts au Pérou dans les années 1980 et 1990. Ils les appellent des "terroristes".
Le pouvoir tente de faire respecter l'ordre par la force mais aussi d'apaiser le mécontentement en accédant à certaines des revendications des manifestants.
La nouvelle présidente Dina Boluarte, ancienne vice-présidente de M. Castillo arrivée au pouvoir après la destitution de ce dernier, a annoncé vouloir à nouveau avancer le calendrier électoral "à décembre 2023".
Mme Boluarte, qui cristallise sur sa personne une partie du mécontentement, s'était déjà engagée dimanche à les avancer de 2026 à avril 2024, sans pour autant enrayer les protestations. Elle est elle-même concernée par la mesure: son mandat court théoriquement jusqu'en 2026, M. Castillo ayant été élu en 2021 pour cinq ans.
U.Paccione--PV