Kurdes tués à Paris: la garde à vue du suspect prolongée, la motivation raciste retenue
La garde à vue de l'homme âgé de 69 ans soupçonné d'avoir tué trois Kurdes et d'avoir blessé trois autres personnes à Paris vendredi a été prolongée samedi et le mobile raciste ajouté à l'enquête ouverte par le parquet de Paris.
Lors de la prolongation de la garde à vue du suspect samedi à 11h40, "le mobile raciste des faits" a été "ajouté" à l'enquête ouverte pour assassinats, tentatives d'assassinats, violences avec arme, et infractions à la législation sur les armes, a annoncé le parquet.
"L'ajout de cette circonstance ne modifie pas la peine maximale encourue, qui demeure la réclusion criminelle à perpétuité", a-t-il précisé.
Le suspect, un conducteur de train retraité de nationalité française, avait indiqué dès son interpellation avoir agi parce qu'il était "raciste", selon une source proche du dossier, confirmant une information du JDD.
Peu avant midi vendredi, devant un centre culturel kurde situé rue d'Enghien, dans le Xe arrondissement de la capitale, il a tué avec une arme de poing deux hommes et une femme et blessé trois autres hommes, dont un sérieusement, selon le dernier bilan.
Le suspect a été maîtrisé par plusieurs personnes dans un salon de coiffure à proximité avant d'être arrêté puis placé en garde à vue.
L'arme utilisée est un "Colt 45 de 1911" de l'armée américaine "d'apparence usée".
- Etrangers visés -
La femme tuée, Emine Kara, était une responsable du Mouvement des femmes kurdes en France, selon le Conseil démocratique kurde en France (CDK-F). Elle avait fait une demande d'asile politique "rejetée par les autorités françaises", selon le porte-parole du mouvement, Agit Polat.
Les deux hommes décédés sont Abdulrahman Kizil, "un citoyen kurde ordinaire" qui fréquentait "quotidiennement" l'association, et Mir Perwer, un artiste kurde reconnu comme réfugié politique et "poursuivi en Turquie pour son art", selon le CDK-F.
Une source policière a confirmé à l'AFP les identités d'Emine Kara et Abdulrahman Kizil.
L'émotion a gagné la communauté kurde très présente dans ce quartier, qui a évoqué un acte "terroriste" et mis en cause la Turquie. De violents incidents ont éclaté vendredi avec les forces de l'ordre.
Le préfet de police de Paris Laurent Nuñez a reçu samedi matin des responsables de la communauté kurde. Une manifestation rassemblant plusieurs centaines de personnes a débuté en fin de matinée sur la place de la République, ont constaté des journalistes de l'AFP.
La piste d'un attentat terroriste a été écartée à ce stade des investigations, suscitant l'incompréhension et la colère du CDK-F. "Le fait que nos associations soient prises pour cible relèvent d'un caractère terroriste et politique", a déclaré Agit Polat après sa rencontre avec le préfet de police. "Nul doute pour nous que ce sont des assassinats politiques".
- Antécédents judiciaires -
Le suspect, qui fréquentait un stand de tir, a "voulu s'en prendre à des étrangers" et "manifestement agi seul", avait estimé vendredi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
"Il n'est pas sûr que le tueur qui a voulu assassiner ces personnes (...) l'ait fait spécifiquement pour les Kurdes", avait-il souligné.
"Rien ne permet à ce stade d'accréditer une quelconque affiliation de cet homme à un mouvement idéologique extrémiste", avait pour sa part indiqué la procureure de Paris Laure Beccuau.
Il est inconnu des services de renseignements et "n'était pas fiché comme étant quelqu'un de l'ultradroite", selon Gérald Darmanin.
Le tireur présumé est mis en examen depuis décembre 2021 pour violences avec armes, avec préméditation et à caractère raciste, et dégradations pour des faits commis le 8 décembre 2021.
Il est soupçonné d'avoir blessé à l'arme blanche des migrants d'un campement du XIIe arrondissement et d'avoir lacéré leurs tentes, avait relaté à l'époque une source policière.
Après un an en détention provisoire, il a été remis le 12 décembre en liberté, comme l'exige la loi, et placé sous contrôle judiciaire, selon la procureure.
Il a en outre été condamné en 2017 à six mois de prison avec sursis pour détention prohibée d'armes et, en juin dernier, à douze mois d'emprisonnement pour des violences avec armes commises en 2016. Il a fait appel de cette condamnation.
Le matin des faits, "il n'a rien dit en partant (...) Il est cinglé. Il est fou", a déclaré à l'AFP le père du suspect âgé de 90 ans, le décrivant comme "taiseux" et "renfermé".
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A.Rispoli--PV