Birmanie: derniers verdicts dans le procès fleuve d'Aung San Suu Kyi
Un tribunal militaire birman rend vendredi son verdict au sujet des cinq dernières accusations de corruption visant la dirigeante déchue Aung San Suu Kyi, point final attendu d'un procès fleuve qualifié de politique par les défenseurs des droits humains.
La célèbre opposante, âgée de 77 ans, a été emprisonnée juste après le coup d'Etat du 1er février 2021, qui a mis fin à une brève période démocratique dans ce pays d'Asie du Sud-Est.
Corruption, fraude électorale, violation de secrets d'Etat et des restrictions anti-Covid... La lauréate du prix Nobel de la paix 1991 a déjà été condamnée à 26 ans de prison, pour quatorze charges différentes.
Le tribunal de la junte, qui siège exceptionnellement dans un centre pénitentiaire de la capitale Naypyidaw -où elle a été placée à l'isolement, doit rendre son verdict pour les cinq dernières accusations de corruption visant Mme Suu Kyi.
Dans une affaire de location d'un hélicoptère pour un ministre, l'ancienne dirigeante est accusée de ne pas avoir respecté les règles et d'avoir causé "une perte pour l'Etat".
Si chaque accusation de corruption peut valoir jusqu'à quinze ans derrière les barreaux, les juges avaient prononcé trois ans d'emprisonnement lors de précédents cas similaires.
Leur verdict marquera la fin d'une procédure judiciaire à huis clos longue de 18 mois, un simulacre de procès qui vise à écarter Aung San Suu Kyi de la scène politique, selon les groupes de défense des droits humains.
- Résolution de l'ONU -
La cheffe de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) a remporté haut la main les élections législatives de 2015 et de 2020.
L'armée a justifié son coup d'Etat en assurant avoir découvert des millions de votes irréguliers lors du dernier scrutin, considéré comme globalement libre par des observateurs internationaux.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a demandé en décembre la libération immédiate d'Aung San Suu Kyi, dans sa première résolution depuis des décennies sur la situation en Birmanie.
Cet appel, survenu dans un rare moment d'unité, a été rendu possible grâce à l'abstention de la Chine et de la Russie, habituels soutiens de Naypyidaw, qui ont renoncé à leur droit de veto.
La junte a aussitôt accusé l'ONU de vouloir "déstabiliser" le pays.
Depuis le putsch, la détenue n'a été vue que de très rares fois, sur des photos granuleuses prises par les médias d'Etat dans une salle d'audience vide.
Elle a cependant un "bon état d'esprit", a rapporté en novembre son ancien conseiller économiste Sean Turnell. Condamné avec elle pour violation de secrets d'Etat, l'Australien a été gracié et remis en liberté le mois dernier.
"Elle est convaincue qu'elle reviendra", a-t-il confié au Financial Times.
- Chaos -
La Nobel de la paix pourrait purger une partie de sa peine d'emprisonnement en résidence surveillée, selon des experts.
Aung San Suu Kyi reste une figure populaire en Birmanie, même si son image internationale a été écornée par son incapacité à défendre la minorité musulmane des Rohingyas, victimes d'exactions de l'armée en 2016 et 2017 - un "génocide" selon Washington.
La Birmanie a sombré après le coup d'Etat dans une période de chaos, avec des violences quotidiennes entre l'armée et des milices auto-constituées qui s'accusent d'avoir tué des centaines de civils.
Plus de 2.600 personnes ont été tuées sous la répression de la junte, d'après une ONG locale. Plusieurs groupes de défense des droits ont accusé l'armée birmane de lancer des frappes aériennes sur des civils, ce qui constitue des crimes de guerre.
L'armée a comptabilisé de son côté 4.000 civils tués.
Le régime militaire prévoit d'organiser des élections courant 2023, dès que le pays sera "en paix et stable", selon le chef de la junte Min Aung Hlaing.
O.Merendino--PV