Le pape François rend un hommage ému au "gentil" Benoît XVI, mort à 95 ans
Le pape François a rendu un hommage ému à son prédécesseur, le "gentil" Benoît XVI, mort samedi à 95 ans et dont la renonciation en 2013 avait pris le monde entier par surprise.
Les funérailles du premier pape allemand de l'Histoire moderne se tiendront jeudi matin place Saint-Pierre à Rome sous la présidence de François, un événement inédit dans l'histoire deux fois millénaire de l'Eglise catholique.
Benoît XVI est décédé samedi matin au monastère Mater Ecclesiae au Vatican où il s'était retiré après sa renonciation.
Lors de Vêpres célébrées samedi soir à Saint-Pierre, François a salué une "personne si noble, si gentille". "Nous ressentons tant de gratitude dans nos cœurs", a déclaré le pape argentin, soulignant "ses sacrifices offerts pour le bien de l'Eglise".
Le corps de Joseph Ratzinger sera exposé à partir de lundi matin sous les ors de la basilique Saint-Pierre pour permettre aux fidèles de lui rendre hommage.
La santé du théologien allemand, à la tête de l'Eglise catholique de 2005 à 2013, s'était dégradée ces derniers jours, François étant lui-même allé à son chevet mercredi.
Les hommages ont afflué du monde entier.
Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a salué son "engagement pour la non-violence et la paix" tandis que le président russe Vladimir Poutine et le patriarche de l'Eglise orthodoxe russe Kirill ont loué "un défenseur des valeurs chrétiennes traditionnelles".
- Drapeaux en berne -
Samedi, les fidèles présents place Saint-Pierre ont fait part de leur tristesse à l'annonce de sa mort. "C'est une grande douleur. C'était une personne très réservée, mais on percevait sa profondeur et il a fait énormément pour l'Eglise", a témoigné pour l'AFP Milo Cecchetto, un Romain.
Dans son village natal en Bavière, Marktl, le drapeau de la mairie a été mis en berne, comme sur tous les bâtiments publics en Bavière. Karl Michael Nuck, un résident de 55 ans, a estimé que sa mort a "sans doute été une délivrance pour lui", rappelant qu'il avait eu "le courage de démissionner".
Son décès met fin à la de deux hommes en blanc: d'un côté Benoît XVI, l'Allemand Joseph Ratzinger, brillant théologien peu à l'aise avec les bains de foule, de l'autre son successeur François, l'Argentin Jorge Bergoglio, jésuite doté d'une parole incisive qui a voulu remettre les pauvres et les migrants au centre de la mission de l'Eglise.
Après ses huit ans de pontificat marqués par de multiples crises, Benoît XVI avait été rattrapé début 2022 par le drame de la pédocriminalité dans l'Eglise. Mis en cause par un rapport en Allemagne sur sa gestion des violences sexuelles lorsqu'il était archevêque de Munich, il était sorti de son silence pour demander "pardon" mais avait assuré n'avoir jamais couvert de pédocriminel.
L'association SNAP de défense des victimes de religieux pédocriminels l'a en revanche accusé samedi d'avoir été "plus préoccupé par la détérioration de l'image de l'Eglise (...) que par la prise de conscience de l'importance d'excuses sincères suivies de vraies réparations pour les victimes d'agressions".
La renonciation de Benoît XVI, annoncée en latin le 11 février 2013, fut une décision personnelle liée à ses forces déclinantes et non à la pression de scandales, avait-il assuré en 2016.
Pour Marco Politi, vaticaniste italien interrogé samedi par l'AFP, Benoît XVI "a été important en tant que théologien mais il n'avait pas le profil mental du rôle pour être pape".
"C’est une partie du passé de l'Eglise qui disparaît avec lui. Les conservateurs mènent, en agitant sa bannière, une guerre civile depuis dix ans contre François. (Avec sa mort), ils perdent un symbole vivant, ils ne peuvent plus dire +voici le vrai pape, voici le faux+", a-t-il estimé.
- VIH et Vatileaks -
Par sa démission, inédite en six siècles, le premier pape allemand de l'Histoire moderne a ouvert la voie à ses successeurs dont les forces viendraient à décliner. François, âgé de 86 ans et souffrant de douleurs au genou, a lui-même laissé "ouverte" cette possibilité.
Né en 1927, Joseph Ratzinger a enseigné la théologie durant 25 ans en Allemagne avant d'être nommé archevêque de Munich.
Il est ensuite devenu le strict gardien du dogme de l'Eglise durant un autre quart de siècle à Rome à la tête de la congrégation pour la doctrine de la foi, puis pape pendant huit ans, succédant à Jean Paul II.
Dernier pape à avoir participé au Concile Vatican II, il a toutefois défendu une ligne conservatrice à la tête de l'Eglise, notamment sur l'avortement, l'homosexualité ou l'euthanasie.
Ses déclarations ont parfois choqué, comme sur l'islam ou l'utilisation du préservatif contre le VIH.
Son pontificat fut également marqué en 2012 par la fuite de documents confidentiels ("Vatileaks") orchestrée par son majordome. Le scandale avait mis en évidence une Curie romaine (gouvernement du Vatican) minée par les intrigues et dénuée de rigueur financière.
O.Pileggi--PV