Espagne: le suspect de l'attaque d'Algésiras "pas sous les radars" pour radicalisation
L'auteur présumé de l'attaque à la machette qui a causé mercredi soir la mort d'un sacristain à Algésiras n'était pas "sous les radars" pour radicalisation, a assuré jeudi le gouvernement espagnol alors que la justice souligne le caractère "jihadiste" de son acte.
Un prêtre a également été grièvement blessé dans cette attaque qui a touché deux églises distantes de quelques centaines de mètres dans cette cité portuaire du sud de l'Espagne située face aux côtes marocaines.
Arrêté immédiatement après l'attaque, le suspect, un Marocain de 25 ans, "n'a jamais été sous le radar d'un service national pour radicalisation" en Espagne ou dans les pays voisins, a indiqué jeudi soir le ministre de l'Intérieur Fernando Grande-Marlaska lors d'une visite à Algésiras.
Si l'exécutif du socialiste Pedro Sanchez attend que l'enquête avance pour qualifier la nature de l'attaque, M. Marlaska n'a pas écarté qu'il "puisse être de nature terroriste", en soulignant que "toutes les hypothèses restent ouvertes". Il a précisé qu'il n'y avait "pas de tiers" impliqués.
Selon le gouvernement, le suspect, qui vivait près des églises cibles de son attaque, faisait l'objet d'une "procédure d'expulsion pour situation irrégulière" depuis juin. Les autorités de Gibraltar ont indiqué qu'il avait été expulsé en août 2019 de l'enclave britannique, qu'il avait rejoint en jet-ski.
- "Allah Akbar" -
Une enquête pour des "faits présumés de terrorisme" a été confiée dès mercredi soir à un juge du tribunal madrilène de l'Audience nationale, chargé des dossiers de terrorisme.
Dans le document autorisant la perquisition du domicile du suspect et consulté par l'AFP, ce magistrat fait le lien entre l'attaque commise par Yassine Kanjaa et le "salafisme jihadiste".
Le juge relate notamment comment le suspect a "regardé vers le ciel en criant des mots en arabe parmi lesquels on pouvait entendre Allah" au moment où il a porté "un dernier coup mortel" au sacristain. Il assure aussi qu'après son arrestation, il a "crié à plusieurs reprises +Allah Akbar+".
Selon les faits relatés par le ministère de l'Intérieur, le suspect - qu'une photo prise après son arrestation montre la barbe fournie et souriant - a attaqué mercredi après 19H00 (18H00 GMT) le prêtre de l'église de San Isidro, Antonio Rodríguez, "armé d'une machette, le blessant grièvement".
"Il s'est ensuite rendu à l'église Nuestra Señora de La Palma, où il s'en est pris au sacristain", Diego Valencia. Ce dernier a "réussi à sortir de l'église mais a été rattrapé à l'extérieur par l'assaillant qui lui a infligé plusieurs blessures mortelles", a poursuivi le ministère.
Grièvement blessé au cou, le prêtre était, pour sa part, "hors de tout danger", a fait savoir jeudi sa communauté religieuse.
- Algésiras en deuil -
Cette attaque a plongé Algésiras, ville de 120.000 habitants aux 129 nationalités selon la municipalité, dans la stupeur.
Plusieurs centaines de personnes, certaines en pleurs, se sont réunies à la mi-journée devant l'église Nuestra Señora de La Palma. Une minute de silence a été observée tandis que retentissaient les cloches de l'église, a constaté l'AFP.
Des fleurs ont été déposées et des cierges allumés sur la place où le sacristain a été tué.
Présent dans les dépendances de cette église au moment de l'attaque, José Manuel Calvo a raconté à l'AFP avoir entendu l'assaillant pousser des cris. Des témoins directs lui ont dit qu'"il parlait d'Allah".
"Dans ces moments-là, tu crois être dans un film", car "quand cela t’arrive, tu n'y crois pas", a confié à l'AFP Juan José Marina, le prêtre de l'église, qui n'était pas à Algésiras au moment de l'attaque. "Si je suis vivant, c'est parce que Diego est mort", a-t-il ajouté, très ému.
Les appels à ne pas rompre la coexistence entre les communautés se sont multipliés en Espagne après cette attaque.
Condamnant des faits "injustifiables", le secrétaire général de la conférence des évêques espagnols, Mgr César García Magán, a mis en garde contre "le danger de diaboliser des communautés".
La Commission islamique d'Espagne, l'une des principales organisations représentant les musulmans dans le pays, a condamné "fermement", dans un communiqué, une "abominable action criminelle" et exprimé sa "solidarité avec (ses) frères catholiques".
Le dernier attentat majeur perpétré en Espagne remonte à août 2017, lorsque deux attaques commises par une cellule jihadiste avaient fait 16 morts et 140 blessés sur l'avenue des Ramblas de Barcelone et dans la station balnéaire de Cambrils (nord-est).
B.Cretella--PV