Italie: un anarchiste emprisonné relance le débat sur le régime carcéral sévère
La santé défaillante d'un anarchiste incarcéré a relancé le débat en Italie sur les peines de prison sévères habituellement réservées aux chefs de la mafia, le nouveau gouvernement de droite ayant promis de ne pas céder.
Près de 750 personnes derrière les barreaux en Italie sont placées sous le régime de détention unique et très restrictif du pays, connu sous le nom de "41-bis", dont l'anarchiste Alfredo Cospito, 55 ans.
M. Cospito, condamné à une trentaine d'années de réclusion pour deux crimes différents, fait une grève de la faim depuis plus de 100 jours dans une prison de Sardaigne pour protester contre son 41-bis, qui comprend un isolement quasi total et de sévères restrictions des visites familiales et autres droits.
L'aggravation de son état de santé a suscité des protestations de la mouvance anarchique dans toute l'Europe, ainsi que celle d'Amnesty International.
Le week-end dernier, le consulat d'Italie à Barcelone a été vandalisé, la voiture d'un diplomate à Berlin a été incendiée et un cocktail Molotov a été lancé contre un poste de police de Rome.
Mardi, le gouvernement de Giorgia Meloni a convoqué une conférence de presse pour annoncer que le statut 41-bis de M. Cospito ne serait pas révoqué, mais a précisé que le prisonnier avait été transféré dans une prison de Milan disposant d'une clinique.
"Il est impensable que l'État cède", a déclaré le ministre de la Justice Carlo Nordio, affirmant que la vague de violence en faveur de M. Cospito justifiait d'autant plus son régime carcéral.
- Isolement, peu de visites -
Créé à l'origine comme une mesure d'urgence face aux attentats perpétrés par la mafia dans les années 1980 et 1990, l'article 41-bis du code pénal est devenu une arme essentielle de l'arsenal de l'État contre le crime organisé.
Il peut également être appliqué à d'autres crimes violents et au terrorisme.
"En Europe de l'Ouest et du Nord, ce régime (41-bis, ndlr) est le plus strict pour les criminels dangereux et organisés", explique à l'AFP Anna Sergi, professeure de criminologie à l'université d'Essex.
Les restrictions comprennent l'isolement dans des cellules individuelles, un temps de cour limité et une courte visite mensuelle avec les membres de la famille, derrière une paroi de verre.
Les livres et les journaux envoyés de l'extérieur de la prison sont interdits.
L'objectif est double: couper la communication des prisonniers avec l'extérieur, empêchant ainsi les mafieux de diriger leurs organisations depuis la prison; et les convaincre, en raison des conditions pénibles, de devenir des collaborateurs de justice ("repentis").
Malgré les campagnes visant à l'abolir, de nombreuses personnes en Italie y restent favorables "car elles associent ce régime aux mafiosi, et il y a un fort sentiment que les mafiosi le méritent quoi qu'il arrive", a déclaré Mme Sergi.
La Cour européenne des droits de l'homme et la Cour constitutionnelle italienne ont demandé des modifications du 41-bis, comme l'interdiction de la censure de la correspondance entre détenus et avocats et l'autorisation pour les détenus de cuisiner dans leur cellule.
- Risque de mort -
Selon le groupe de défense des droits des prisonniers Antigone, l'application de ce régime à M. Cospito est "disproportionnée".
Il a été condamné en 2014 à près de 11 ans de prison pour avoir tiré dans les jambes du directeur général d'une entreprise d'énergie nucléaire deux ans plus tôt.
Il a ensuite été condamné à une peine distincte de 20 ans pour avoir posé deux bombes artisanales devant une caserne de police en 2006, un crime que les tribunaux ont jugé de nature terroriste.
Il a été condamné en mai dernier à 4 ans de 41-bis lorsque la justice a découvert qu'il maintenait depuis la prison des contacts avec les anarchistes.
Il est considéré comme étant le chef d'un groupe de militants à l'origine de colis piégés et d'autres attaques contre les autorités il y a dix ans.
Dans un éditorial lundi, le quotidien La Stampa a rappelé que le gouvernement ne voulait pas céder face à M. Cospito, mais il a estimé que l'État devait agir car le prisonnier pourrait mourir pendant que les tribunaux italiens examinent la question.
En décembre, un tribunal de Rome a rejeté un recours des avocats de Cospito visant à révoquer le 41-bis.
La Cour suprême a été saisie d'un nouvel appel, dont l'audience est prévue le 7 mars. Selon les médias locaux, quatre personnes sont mortes dans les prisons italiennes à la suite de grèves de la faim depuis 2009.
L.Guglielmino--PV