Pallade Veneta - Le Portugal découvre que la pédocriminalité dans l'Eglise a fait près de 5.000 victimes

Le Portugal découvre que la pédocriminalité dans l'Eglise a fait près de 5.000 victimes


Le Portugal découvre que la pédocriminalité dans l'Eglise a fait près de 5.000 victimes
Le Portugal découvre que la pédocriminalité dans l'Eglise a fait près de 5.000 victimes / Photo: PATRICIA DE MELO MOREIRA - AFP

Au moins 4.815 mineurs ont été victimes de violences sexuelles au sein de l'Eglise catholique portugaise depuis 1950, a conclu lundi une commission indépendante qui a entendu plus de 500 témoignages l'année dernière.

Taille du texte:

"Ces témoignages nous permettent d'arriver à un réseau de victimes beaucoup plus important, calculé au nombre minimal de 4.815 victimes", a déclaré le coordinateur de cette commission d'experts, le pédopsychiatre Pedro Strecht, lors de la présentation de leur rapport final à Lisbonne.

"Il est désormais difficile que tout reste pareil concernant les violences sexuelles sur mineurs au Portugal et la conscience de leur impact traumatisant", a-t-il affirmé devant la presse et plusieurs responsables ecclésiastiques.

Pendant deux heures, les membres de la commission d'experts ont exposé, de façon parois crue et détaillée, les enseignements tirés des 512 témoignages validés, mais aussi de leurs recherches dans les archives de l'Eglise et de leurs entretiens avec ses plus haut responsables.

"Je suis satisfait de ce travail difficile et dramatique, et nous souhaitons que cela marque un nouveau commencement", a réagi le président de la Conférence épiscopale portugaise (CEP), l'évêque de Leiria-Fatima José Ornelas, après avoir assisté à la présentation du rapport.

Après ce premier commentaire, où il a également exprimé "une pensée pour les victimes", Mgr Ornelas devait tenir une conférence de presse dans l'après-midi pour communiquer la position officielle de la CEP.

- "Pas de réparation possible" -

Fin 2021, la hiérarchie de l'Eglise portugaise avait chargé cette commission indépendante de prendre la mesure du phénomène de la pédocriminalité, comme cela a été déjà fait dans des pays comme l'Allemagne ou la France.

Les évêques portugais ont également déjà prévu de se réunir début mars pour tirer les conclusions du rapport indépendant et pour "éradiquer autant que possible ce fléau de la vie de l'Eglise", avait déclaré en janvier le secrétaire de la conférence épiscopale, le père Manuel Barbosa.

Confronté aux milliers de cas de violences sexuelles par des prêtres mis au jour dans le monde et aux accusations de dissimulation par des membres du clergé, le pape François a promis en 2019 de livrer une "bataille totale" contre la pédophilie au sein de l'Eglise.

"La majorité des personnes que nous avons entendues considèrent qu'il n'y a pas de réparation possible. Mais elles attendent une demande d'excuses de la part de leur agresseur ou de l'Eglise en tant qu'institution", a expliqué le docteur Strecht.

Le cardinal-patriarche de Lisbonne Manuel Clemente, plus haut prélat de l'Eglise portugaise, s'était dit prêt en avril 2022 à "reconnaître les erreurs du passé" et à "demander pardon" aux victimes.

- "C'est difficile de parler" -

Attendu dans la capitale portugaise pour les Journées mondiales de la jeunesse qui auront lieu début août, le souverain pontife pourrait rencontrer des victimes, a indiqué récemment l'évêque auxiliaire de Lisbonne, Américo Aguiar, chargé de l'organisation de ce rendez-vous mondial des jeunes catholiques.

La grande majorité des crimes dénoncés à la commission indépendante est déjà prescrite mais vingt-cinq témoignages ont été transmis au ministère public, a précisé son coordinateur.

Parmi ces rares cas, figure celui d'Alexandra, deuxième prénom d'une femme de 43 ans souhaitant rester anonyme, violée par un curé pendant la confession quand elle était une novice de 17 ans se préparant à une vie de religieuse.

"C'est très difficile de parler du sujet au Portugal", où 80% de la population se définit comme catholique, a témoigné la semaine dernière à l'AFP cette mère de famille, formée en informatique mais employée comme auxiliaire de cuisine.

"Cela faisait de longues années que je gardais ce secret mais je sentais que cela devenait de plus en plus difficile de gérer ça toute seule", a-t-elle raconté lors d'un entretien téléphonique.

Attendant de connaître les mesures que prendront les évêques avec un mélange d'espoir et de scepticisme, Alexandra estime que le travail de la commission indépendante a représenté "un bon début" pour ceux qui cherchent à "briser le mur" de silence qui les a longtemps entourés.

S.Urciuoli--PV