Procès Wirecard: l'ex-PDG nie avoir participé à la fraude massive
L'ancien PDG de Wirecard Markus Braun a nié lundi toute implication dans la fraude qui a précipité la chute de la société et ménagé son ancien bras-droit en fuite.
"Je rejette toutes les accusations" contre moi, a-t-il déclaré d'emblée lors de sa première déposition dans ce procès fleuve entamé à la mi-décembre devant un tribunal à Munich, répondant notamment du délit de fraude en bande organisée.
Vêtu d'un pull à col roulé sous un costume bleu sombre, comme à son habitude, l'homme au visage émacié depuis son incarcération il y a deux ans et demi a retracé de manière chronologique sa version de l'histoire en piochant dans ses "souvenirs précis", sans se démonter face aux questions parfois insistantes du juge.
"Je n'ai fait partie d'aucune bande" et n'ai eu "aucune connaissance de malversations", a martelé l'ingénieur en informatique et ancien chef de l'entreprise entre 2002 et 2020.
Il a ressenti en revanche "un choc pour les actionnaires" et "les salariés" lors de la publication le 18 juin 2020 d'un communiqué de l'entreprise qui a révélé un gigantesque scandale.
Les dirigeants de Wirecard ont alors avoué que 1,9 milliard d'euros d'actifs, supposés se trouver sur des comptes en Asie, soit un quart du bilan comptable, n'existaient pas en réalité.
Jusqu'au dernier moment, "personne ne soupçonnait qu'il y avait de la fraude, que les fonds n'étaient pas là", a avancé M.Braun.
La société qui offrait des services de paiements en ligne était parvenue en moins de deux décennies à devenir une des stars du Dax, le principal indice de la Bourse allemande, où elle a pesé plus que Deutsche Bank.
Acteur central de la fraude présumée, l'Autrichien Jan Marsalek, chargé des opérations et en particulier du développement des affaires en Asie, est en cavale depuis juin 2020.
- Soupçons de fraude -
Avec M. Marsalek, M. Braun se souvient d'une relation "très étroite" y compris "au plan privé" dans les premières années de services du jeune manager, autrichien comme lui.
"Cela sonne étrange aujourd'hui mais il avait une énergie incroyable" pour soutenir la forte croissance de l'entreprise, a résumé l'ex-patron.
Leurs relations prennent une tournure plus "professionnelle" quand M. Marsalek entre en 2010 au directoire.
Puis les choses se gâtent avec des soupçons de fraude sur des comptes avec des tiers en Asie au cours des années 2016 à 2018, tel que détaillé courant 2019 dans le Financial Times.
Pour tirer les choses au clair, une expertise indépendante sera confiée au cabinet d'audit KPMG, même si M. Marsalek y était au départ opposé.
- "Refermer le couvercle" -
Les problèmes venaient des affaires qui étaient sous "la responsabilité" de M. Marsalek, a assuré Markus Braun.
Illustration : début 2020, en pleine enquête sur les soupçons de fraudes en Asie, Jan Marsalek lui apprend qu'il a transféré, sans le prévenir, d'importants avoirs de Singapour aux Philippines. M. Braun lui demande sèchement s'il "a perdu la raison".
Interrogé par le juge sur la raison pour laquelle il n'a pas repris les choses en main, M. Braun a soutenu que ce n'était pas le moment de remplacer un membre du directoire avant que soient dissipés les dits soupçons.
La priorité était de "refermer le couvercle" sur le sujet, se souvient M. Braun.
KPMG se dira au total incapable de valider certaines activités de paiements réalisées par des sociétés tierces au nom de Wirecard, accélérant la descente aux enfers de la "fintech".
M. Braun est jugé à côté de Stephan von Erffa, ancien chef comptable, et Oliver Bellenhaus, ex-directeur d'une filiale basée à Dubaï, où il était en relation avec les tiers partenaires.
M. Bellenhaus, élément clé pour l'accusation, a fait des aveux circonstanciés pendant la phase d'enquête. M. Braun a mis en place "un système de fraude organisée" dont lui-même était un maillon, a-t-il soutenu lors d'une précédente audience.
Le tribunal a prévu 100 jours d'audience jusqu'en 2024 pour tenter de faire la lumière sur ce scandale financier sans précédent en Allemagne, qui a éclaboussé le monde économique et politique.
L.Bufalini--PV