Procès de Saad Lamjarred: la jeune femme qui l'accuse de viol raconte sa soirée de "cauchemar"
Laura P. s'agrippe à la barre, sans que ça ne suffise à calmer les tremblements de son corps. Elle pleure, s'excuse, souffle et se lance, sous le regard de Saad Lamjarred et de la cour d'assises de Paris qui juge le chanteur star marocain pour viol aggravé.
Ce mois d'octobre 2016, elle a 20 ans et rend visite à des amis à Paris. Un soir, dans une boîte de nuit huppée, ils remarquent que plusieurs personnes viennent se prendre en photo avec un homme à la table voisine.
C'est Saad Lamjarred, popstar ultra connue dans le monde arabe. Les deux tables se rapprochent et Laura P. se met à discuter avec le chanteur dont elle n'avait jamais entendu parler.
"Avec des amis on avait prévu un voyage au Maroc. Il m'a dit qu'il pourrait me faire visiter. J'ai trouvé ça super gentil", raconte Laura P. en costume gris, longs cheveux châtains lâchés sur les épaules.
Quand la boîte de nuit ferme, à 04H00 du matin, il est question de continuer la soirée ailleurs. "Je me suis dit pourquoi pas, je m'amuse bien, je m'entends bien avec cette personne".
Laura P. se retrouve à un "after" dans une chambre d'hôtel avec Saad Lamjarred, une influenceuse issue de la téléréalité et l'ex-copain de cette dernière.
"On poursuit la fête, on picole un peu, on danse", témoigne l'influenceuse, Nadège L., entendue en visioconférence. Il y a de la cocaïne, Saad Lamjarred en prend, pas Laura P., qui ne boit pas d'alcool non plus.
Saad Lamjarred "nous fait écouter sa musique", se souvient Nadège L., et lui et Laura P. "échangent des petits regards un peu mignons".
Vers 06H00 du matin, la soirée déménage à l'hôtel du chanteur. Laura P. assure qu'elle pensait que l'influenceuse et son ex viendraient mais finalement ils ne sont que tous les deux.
- "Séduction horizontale" -
"On a dansé, écouté de la musique, parlé de tout et de rien", assis sur la moquette, dit-elle. Et puis, "on s'est embrassés. Et là tout à coup, il a poussé ma tête qui a cogné par terre".
Dans une sorte de long sanglot elle raconte la suite: son incompréhension, ses cheveux qu'il tire, à califourchon sur elle malgré ses refus répétés.
Il lui ordonne de retirer son t-shirt, elle s'exécute, "terrorisée", relate-t-elle en pleurs.
Assis un mètre derrière elle dans la salle d'audience, Saad Lamjarred regarde au sol. Sur les bancs du public, sa femme qui avait dit la veille savoir "au fond d'elle" qu'il était "innocent" dans cette affaire et d'autres - il a été accusé de viol à Casablanca, New-York et Saint-Tropez -, garde le même sourire d'apparence qu'elle arbore depuis l'ouverture du procès.
Laura P. continue son récit pointilleux. Son corps qu'il lèche, un premier coup de poing, puis deux pénétrations digitales, vaginale et anale, et une brève pénétration pénienne. Avant qu'elle ne parvienne à le repousser. "Je l'ai mordu dans le bas du dos, j'ai repris un coup de poing".
Laura P. arrivera à quitter ce "cauchemar" et sera recueillie par des employés de l'hôtel.
"Quelles preuves avons nous que ce que vous dites est conforme à la réalité?", demande l'avocat de Saad Lamjarred, Me Thierry Herzog, qui avait commencé par rappeler son passé de mannequin.
Elle répond "ADN", blessures constatées. Me Herzog souligne lui que l'affaire avait d'abord été renvoyée en correctionnelle, un premier juge ayant estimé que le viol n'était "pas absolument caractérisé".
"Il y a eu un appel, c'est pour ça que nous sommes ici", répond sèchement Laura P.
Si une homme "pose la main sur l'épaule, vous enlace, vous embrasse", ce n'est pas "parce qu'il y a une tentative de +séduction horizontale+ selon vous?", interroge le deuxième avocat de Saad Lamjarred, Me Jean-Marc Fedida. Là non plus Laura P. ne se démonte pas, assure qu'elle n'envisageait qu'un "flirt". "Je ne savais pas qu'il voulait aller plus loin, je ne suis pas dans sa tête".
"Je n'ai jamais, jamais, jamais pénétré Laura, ni avec mes doigts, ni avec mon sexe", avait dit plus tôt dans la journée Saad Lamjarred, qui sera interrogé mercredi.
A.Tucciarone--PV