Irlande du Nord: des républicains dissidents soupçonnés d'une attaque contre un policier
La police nord-irlandaise a arrêté jeudi trois hommes dans l'enquête sur la tentative de meurtre d'un policier mercredi soir, dans laquelle les soupçons se portent vers des "républicains dissidents violents", ravivant les douloureux souvenirs du passé sanglant de la province britannique.
Grièvement blessé, le policier expérimenté, membre depuis 26 ans des forces de l'ordre, "se bat pour sa vie" et a été opéré, a expliqué devant la presse Simon Byrne, de la police nord-irlandaise. Son état est jugé "critique mais stable".
John Caldwell s'est fait tirer dessus par deux hommes à plusieurs reprises alors qu'il se trouvait dans un complexe sportif dans la ville d'Omagh, dans le centre de la province britannique, lors d'un entraînement de football avec des enfants, dont son fils. Unanimement condamnée, cette attaque survient à un mois et demi des 25 ans de l'accord de paix qui a mis fin au conflit nord-irlandais.
"Il est tragique et triste que certains essaient toujours de nous ramener vers le passé", a déclaré le commissaire Simon Byrne, annonçant l'arrestation de trois hommes de 38, 45 et 47 ans "en lien avec la tentative de meurtre de John".
- "Ennemis de notre paix" -
L'attaque n'a pour l'heure fait l'objet d'aucune revendication.
"Il n'y a absolument aucune tolérance envers de telles attaques par les ennemis de notre paix", ont déclaré en commun les dirigeants des cinq partis politiques nord-irlandais.
Ils soulignent la "colère" de la population locale, dans une ville marquée par l'attentat le plus meurtrier du conflit nord-irlandais. Le 15 août 1998, après la signature de l'accord de paix, un attentat à la voiture piégée revendiqué par un groupe dissident de l'IRA avait fait 29 morts et 220 blessés.
A Omagh jeudi, la députée Órfhlaith Begley (Sinn Fein) a salué auprès de l'AFP l'unité des dirigeants politiques. "La réaction de la communauté montre clairement qu'il n'y a pas de soutien à la violence dans la région", a-t-elle dit.
"Il n'y a pas de place" ici pour les auteurs de tels "actes de terreur", a affirmé Daniel McCrossan, un élu local du parti nationaliste SDLP. Ils n'auront "nulle part où se cacher".
La nouvelle IRA, groupe républicain dissident de l'Armée républicaine irlandaise, a reconnu sa responsabilité dans deux attaques ces dernières années.
En avril 2021, une bombe avait été posée sous la voiture d'une policière devant son domicile.
Le groupe avait également reconnu être responsable de la mort de Lyra McKee, journaliste tuée en avril 2019 alors qu'elle couvrait des affrontements dans la ville de Londonderry.
La nouvelle IRA avait présenté ses excuses aux proches de la jeune femme, expliquant qu'elle se trouvait aux côtés des forces de l'ordre.
- L'ombre des "Troubles" -
Ces événements avaient fait ressurgir le spectre des "Troubles", ces violences ayant opposé pendant trois décennies républicains (principalement des catholiques partisans de la réunification de l'Irlande) et unionistes protestants, fervents défenseurs de l'appartenance du Nord de l'île au Royaume-Uni.
L'Accord du Vendredi saint conclu en 1998 a mis fin à ce conflit qui a fait 3.500 morts et instauré une paix fragile, mais des groupes paramilitaires sont restés actifs.
Le Premier ministre britannique Rishi Sunak s'est dit "horrifié", soulignant dans un tweet qu'il n'y a "pas de place dans notre société pour ceux qui cherchent à nuire aux fonctionnaires qui protègent la population", a-t-il ajouté dans un tweet.
La cheffe du parti républicain Sinn Fein (majoritaire en Irlande du Nord), Michelle O'Neill, a dénoncé une attaque "scandaleuse et honteuse".
Le chef du parti unioniste DUP Jeffrey Donaldson, attaché au maintien de la province dans le giron britannique, a quant à lui condamné les "lâches" à l'origine de cette attaque. "Ces terroristes n'ont rien à proposer et ils doivent être traduits en justice", a-t-il ajouté.
L'attaque intervient à un moment politique délicat pour la province britannique où le Brexit a ravivé les tensions communautaires.
Les institutions locales, censées être partagées entre les communautés, sont bloquées depuis plus d'un an. Londres tente actuellement de s'accorder avec Bruxelles sur une modification du statut douanier de la province et de faire revenir les unionistes dans un gouvernement local.
R.Lagomarsino--PV