Quatorze ans de réclusion requis contre une "revenante" du groupe Etat islamique
Une "détermination hors du commun" et un repentir dont il est permis de douter: l'accusation a requis mercredi quatorze ans de réclusion criminelle à l'encontre d'une "revenante" du groupe Etat islamique (EI), jugée à Paris pour deux séjours en Syrie entre 2013 et 2017.
L'avocate générale Alexa Dubourg a demandé que cette peine d'un "quantum significatif" soit assortie d'une période de sûreté des deux tiers, soulignant les "capacités de dissimulation" de l'accusée et sa "minimisation" de certains faits.
A l'ouverture de son procès lundi, Douha Mounib, 32 ans, a adopté une posture de repentie, assurant avoir "changé" depuis sa radicalisation fin 2012 et son "désir" qui avait viré à "l'obsession" de partir en Syrie.
Au troisième jour d'audience, l'avocate générale se dit incapable de se prononcer sur la "sincérité" de ce repentir. "Je ne prendrai pas le pari de la croire", assène-t-elle.
Dans son réquisitoire, la magistrate cite en exemple la rocambolesque tentative d'évasion de Douha Mounib, le 14 novembre 2021, alors qu'elle était incarcérée depuis quatre ans à la maison d'arrêt de Fresnes et qu'elle tenait déjà des "discours sur sa volonté de s'insérer en France".
Si la cour n'est pas saisie de cette procédure distincte, elle a plané sur les débats tant cette tentative d'évasion interroge sur le degré de dangerosité de l'accusée.
Douha Mounib, à laquelle on promettait que son dossier avance vite, est "découragée" du contraire, "ne fait jamais les choses à moitié", plaide dans l'après-midi son avocat Joseph Hazan.
Pour autant, ce geste ne traduit pas "la persistance d'une dangerosité idéologique", insiste Me Hazan qui réfute que sa cliente ait "minimisé" sa responsabilité ou qu'elle soit dans une stratégie de "dissimulation".
- "Authenticité" -
Dans le box, Douha Mounib s'était expliquée longuement et avec une certaine franchise sur ses deux séjours syriens, entrecoupés de tentatives répétées de rallier à nouveau ce théâtre de guerre.
"Elle dit +je veux aller combattre+. Ça, c'est de la minimisation?", s'insurge son conseil. Pour Me Hazan, le fait qu'elle déclare aujourd'hui "être revenue de cette idéologie" tout en revendiquant une pratique toujours "rigoriste de l'islam" est rare et constitue "un gage d'authenticité".
Douha Mounib était passée une première fois en Syrie fin 2013, après un périple du Maroc à la Turquie où elle avait épousé un passeur qu'elle venait de rencontrer.
Après ce premier séjour de deux mois écourté en raison de l'instabilité de la région, Douha Mounib n'avait eu de cesse de tenter de rallier de nouveau cette zone de guerre mais avait été refoulée par les Turcs à chacune de ses tentatives.
Sa "détermination extrême" avait fini par payer à l'été 2015: grâce à la carte d'identité dérobée à sa mère, elle avait réussi à passer la frontière turco-syrienne avec son second époux tunisien et le fils de ce dernier, âgé de moins de 2 ans.
Concernant ce second séjour, à Mossoul (Irak) puis Raqqa (Syrie), deux villes sous le joug jihadiste, l'avocate générale considère que Douha Mounib "ne dit pas la vérité".
La magistrate ne croit ni au fait que le mari de l'accusée soit resté plus de quinze mois sans "jamais combattre", ni qu'elle n'ait rien vu des "atrocités quotidiennes commises" par l'EI et qu'elle ait pu exercer comme sage-femme - une "compétence précieuse" - "de manière clandestine" comme elle le dit.
"C'est assez audacieux" que Douha Mounib vienne l'affirmer et, pour la représentante de l'accusation, cela démontre un "niveau de discours totalement inaudible et indéfendable".
Douha Mounib avait finalement quitté fin 2016 les territoires contrôlés par le groupe Etat islamique. Elle avait été arrêtée par les autorités turques en mars 2017, alors qu'elle passait la frontière avec sa fille âgée de quelques mois et son beau-fils.
Après neuf mois dans un centre de rétention en Turquie, elle avait été rapatriée en France et incarcérée.
Avant que la cour ne se retire pour délibérer, Douha Mounib évoque de "graves erreurs" qu'elle "regrette". "J'espère pouvoir un jour avancer en laissant tout ça derrière moi définitivement".
"Faites un pas vers elle", implore son avocat.
Verdict attendu dans la soirée.
F.Dodaro--PV