Manifestations au Kenya: tirs de gaz lacrymogènes contre le convoi du principal opposant
La police kényane a tiré lundi des gaz lacrymogènes à Nairobi contre un convoi du chef de l'opposition Raila Odinga, qui avait appelé à des manifestations contre l'inflation, interdites par les autorités, au milieu d'affrontements entre protestaires et forces de l'ordre.
Raila Odinga, qui continue d'affirmer que l'élection présidentielle très serrée du 9 août 2022 lui avait été "volée" et que le gouvernement de William Ruto est "illégitime", voulait organiser une conférence de presse dans un hôtel de la capitale kényane.
Mais la conférence de presse n'a pas pu se tenir et le convoi de l'opposant a ensuite été bloqué par la police, qui a fait usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau pour le disperser.
Des batailles rangées ont également éclaté entre des manifestants jetant des pierres et les forces de l'ordre utilisant gaz lacrymogènes et canons à eau dans certains quartiers de la capitale et dans au moins une autre ville, ont constaté des correspondants de l'AFP.
Les organisateurs de la manifestation avaient prévu de marcher vers State House, le palais présidentiel, dans le centre de Nairobi, où une vingtaine de manifestants ont été arrêtés. Parmi les personnes interpellées figurent deux parlementaires, Stewart Madzayo, chef de la minorité au Sénat, et le député Opiyo Wandayi, tous deux membres du parti M. Odinga.
"Nous sommes venus ici pacifiquement, mais ils nous ont jeté des gaz lacrymogènes", a affirmé un manifestant, Charles Oduor. "Ils nous mentent tous les jours. Où est la farine de maïs bon marché qu'ils ont promise ? Où sont les emplois pour les jeunes qu'ils ont promis ? Tout ce qu'ils font, c'est embaucher leurs amis", a ajouté ce jeune homme de 21 ans.
Il s'agit des premiers troubles majeurs depuis l'arrivée au pouvoir de William Ruto.
A Kibera, le plus grand bidonville de Nairobi, des manifestants ont mis le feu à des pneus et la police a utilisé des canons à eau, selon des journalistes de l'AFP.
Des affrontements se sont également produits à Kisumu, dans l'ouest du Kenya, autre bastion de Raila Odinga.
- Flambée des prix -
"Notre victoire nous a été volée et nous sommes déterminés à la récupérer. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés alors que la vie devient de plus en plus difficile. Nous voulons Raila à State House", a lancé un manifestant à Kisumu, Kevin Ojwang.
Ce mouvement de protestation contre l'inflation qui s'est élevée en février sur un an à 9,2% dans le pays d'Afrique de l'Est avait été interdit dimanche par les autorités.
Les Kényans souffrent également de la chute brutale du shilling par rapport au dollar américain et d'une sécheresse record qui a plongé des millions de personnes dans la famine.
"Nous voulons demander aux organisateurs de réfléchir, de mettre fin au chaos afin que ceux qui n'ont pas ouvert leurs entreprises et leurs magasins le fassent cet après-midi", a déclaré le vice-président Rigathi Gachagua, affirmant que les manifestations avaient déjà fait perdre 2 milliards de shillings, environ 14 millions d'euros.
Malgré l'interdiction, des manifestants se sont réunis pour protester contre le coût de la vie.
"La vie est si dure. Voyez ces jeunes hommes et femmes, nous n'avons pas de travail, les gens perdent leur emploi. C'est pourquoi nous venons parler de nos droits", explique Henry Juma, 26 ans, cireur de chaussures.
- "Epreuve de force" -
Le grand journal kényan The Standard a résumé la tension en titrant lundi : "Le jour de l'épreuve de force".
De nombreux commerces à Nairobi étaient fermés avant les manifestations et certaines entreprises avaient demandé à leurs employés de privilégier le télétravail.
Le chef de l'Etat s'était élevé ce week-end contre les appels à manifester de son opposant. "Vous n'allez pas nous menacer avec des ultimatums, du chaos et de l'impunité. Nous ne le permettrons pas", a dit William Ruto, demandant à Raila Odinga d'agir via des moyens "légaux et constitutionnels".
Selon les résultats officiels, M. Odinga a perdu face à M. Ruto de quelque 233.000 voix, l'un des écarts les plus serrés de l'histoire du pays, et alors qu'il était soutenu dans ce scrutin par le président sortant Uhuru Kenyatta.
Le recours intenté par Raila Odinga, qui concourait pour la cinquième fois à la tête du pays et se plaignait de fraudes, a été rejeté par la Cour suprême.
F.Dodaro--PV