Rwanda: Paul Rusesabagina, héros hollywoodien condamné pour "terrorisme"
Paul Rusesabagina, héros du film "Hôtel Rwanda" qui relate comment cet homme d'apparence tranquille a sauvé plus de 1.000 personnes durant le génocide de 1994, a soudain vu sa vie basculer dans la célébrité avant d'être condamné pour "terrorisme" dans son pays.
Sa peine de 25 ans de prison, prononcée en septembre 2021, a été "commuée", a annoncé vendredi le gouvernement rwandais.
Le film "Hôtel Rwanda" ("Hotel Rwanda" en anglais) du réalisateur Terry George, sorti en 2004, relate comment cet Hutu modéré a sauvé plus de 1.000 personnes durant le génocide de 1994 qui a fait 800.000 morts, principalement des Tutsi, lorsqu'il était directeur de l'Hôtel des Mille Collines à Kigali.
Incarné à l'écran par l'acteur américain Don Cheadle et présenté comme un altruiste à la voix douce, M. Rusesabagina est aussi l'un des plus féroces critiques du président rwandais Paul Kagame.
Aujourd'hui âgé de 68 ans, il était réapparu au Rwanda en août 2020, après près de 25 ans d'exil, en uniforme rose de prisonnier, menottes aux poignets, après ce qu'il avait dénoncé comme un "enlèvement".
Il a été accusé d'être le cerveau d'attaques menées par le Front de libération nationale (FLN), groupe rebelle accusé d'avoir mené des attaques meurtrières au Rwanda en 2018 et 2019, ce que lui et sa famille réfutent.
Selon ses proches, il a toujours été l'homme courageux, calme et déterminé présenté dans le blockbuster hollywoodien.
"Papa a toujours plaidé pour la justice, la paix et les droits humains. Maintenant, ce sont ses droits qui sont violés", avait déclaré sa nièce et fille adoptive, Carine Kanimba, en octobre 2020.
- Homme "ordinaire" -
Né en 1954 dans une famille d'agriculteurs du centre du Rwanda, Paul Rusesabagina a brièvement étudié la théologie, puis l'hôtellerie, au Kenya et en Suisse.
De retour au Rwanda en 1984, il est embauché comme directeur général adjoint du plus prestigieux hôtel de la capitale Kigali, l'Hôtel des Mille Collines.
Quand le génocide commence en avril 1994, des centaines de personnes, principalement des Tutsi, s'y réfugient.
Hutu modéré marié à une Tutsi, Paul Rusesabagina discute avec les tueurs, les apaise avec des bières, utilise ses relations pour obtenir de la nourriture, tandis que ses "invités" boivent l'eau de la piscine. Il enverra des SOS aux gouvernements européens et au président américain Bill Clinton avec le fax de l'hôtel.
Le journaliste américain Philip Gourevitch, qui l'a rencontré, le décrit comme "un homme aux manières douces, solidement bâti et d'apparence plutôt ordinaire".
Paul Rusesabagina est déçu par le nouveau pouvoir à dominante tutsi, qui a renversé le régime extrémiste hutu et mis fin au génocide.
Il accuse le Front patriotique rwandais (FPR) et son chef Paul Kagame d'autoritarisme et d'alimenter un sentiment anti-hutu. Il quitte le pays en 1996 avec femme et enfants pour la Belgique et les Etats-Unis.
- Notoriété et critiques -
La sortie en 2004 de "Hôtel Rwanda" lui offre une soudaine célébrité: il est décoré aux Etats-Unis de la Médaille présidentielle de la liberté, donne des conférences à travers le monde...
Il est toutefois critiqué par des survivants des Mille Collines, qui lui reprochent de tirer profit de leur malheur et d'embellir son rôle.
Fort de sa nouvelle notoriété, M. Rusesabagina se fait aussi plus virulent contre Paul Kagame, ce qui lui vaut des attaques de partisans du régime.
Lié aux groupes d'opposition en exil, M. Rusesabagina participe en 2017 à la création du Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), dont le FLN est considéré comme le bras armé.
En 2018, dans une vidéo, il estimait "le moment venu pour nous d'utiliser tous les moyens possibles pour amener le changement au Rwanda, car tous les moyens politiques ont été tentés et ont échoué".
Mais il a toujours nié toute implication dans les attaques pour lesquelles il a été jugé.
F.Dodaro--PV