Secte au Kenya: un influent pasteur soupçonné d'être lié au "massacre de Shakahola"
Ezekiel Odero, un des plus influents pasteurs du Kenya, a comparu vendredi devant un tribunal, soupçonné d'être lié à la découverte de plus d'une centaine de morts d'une secte dans une forêt du sud-est du pays connu sous le nom de "massacre de Shakahola".
Les autorités kényanes avaient annoncé jeudi l'arrestation d'Ezekiel Odero, chef du Centre de prière et Eglise de la Nouvelle Vie (New Life Prayer Centre and Church), dans le cadre d'une enquête sur "le meurtre de masse de ses fidèles".
Le parquet a demandé son maintien en détention pour 30 jours supplémentaires.
Selon des documents judiciaires consultés vendredi par l'AFP, ce célèbre télévangéliste fait l'objet d'enquêtes notamment dans le cadre d'accusations de "meurtre", "aide au suicide", "enlèvement", "radicalisation, "crimes contre l'humanité", "cruauté envers des enfants", "fraude et blanchiment d'argent".
"Il existe des informations crédibles reliant les corps exhumés du terrain (...) situé à Shakahola" avec "plusieurs adeptes innocents et vulnérables (de l'église d'Odero, ndlr) qui auraient trouvé la mort", affirme le parquet dans ce document.
Par ailleurs, "la police a établi que plusieurs assassinats ont bien eu lieu dans l'enceinte du Ministère de la Vie Nouvelle" dans la localité de Mavueni, non loin de la ville côtière de Malindi, ajoute-t-il.
Des renseignements policiers font également état qu'"après la mort des fidèles innocents et vulnérables (d'Odero), leurs corps ont été conservés dans une morgue privée (...) avant d'être transportés et enterrés dans la forêt de Shakahola", est-il précisé.
- Recherches en cours -
Des opérations policières menées dans cette forêt à environ 80 kilomètres de Malindi ont permis de révéler la mort d'au moins 109 membres - dont une majorité d'enfants - d'une secte appelée Eglise Internationale de Bonne nouvelle dirigée par un autre pasteur autoproclamé, Paul Mackenzie Nthenge.
Au moins 22 personnes ont été arrêtées dans l'enquête sur ce "massacre", qui a suscité l'horreur dans le pays.
En prison après s'être rendu à la police le 14 avril, Paul Mackenzie Nthenge doit comparaître devant un tribunal le 2 mai.
Après une première visite mardi, le ministre de l'Intérieur Kithure Kindiki était à nouveau sur place vendredi, après que le gouvernement "a intensifié les efforts de recherche et de sauvetage de personnes toujours prisonniers".
Les autopsies des corps déjà déterrés, prévues pour commencer vendredi, n'ont pas débuté, a indiqué à l'AFP Hassan Musa, directeur régional de la Croix-Rouge kényane, qui aide à l'identification des corps.
- "Elu de Dieu" -
MM. Odero et Mackenzie sont également liés dans le cadre d'"investissements financiers" comme le rachat par le premier de la chaîne de télévision du deuxième.
Ancien pêcheur originaire du lac Victoria devenu "pasteur" il y a une quinzaine d'année, Ezekiel Odero est connu à travers le pays.
Ce télévangéliste aisé aime à se présenter comme "l'élu de Dieu".
Il compte un demi-million d'abonnés sur sa chaîne YouTube et attire les foules dans son église de Mavueni, qui peut accueillir jusqu'à 40.000 personnes.
Lors des "croisades" (rassemblements) qu'il organise, il vend des fioles d'"eau bénite" et des morceaux de tissu pour 100 shillings (60 centimes d'euros) qui, selon lui, guérissent toutes sortes de maladies, y compris le VIH.
L'épouse du vice-président Rigathi Gachagua était apparue à ses côtés lors d'une de ces "croisades" en décembre au stade Kasarani de la capitale Nairobi, le plus grand du pays (60.000 places).
- "Idéologies inacceptables" -
Après la révélation du "massacre de Shakahola", le président kényan William Ruto a promis des mesures contre ceux "qui veulent utiliser la religion pour promouvoir des idéologies louches et inacceptables".
Mais les précédentes tentatives de réglementation des cultes au Kenya, pays majoritairement chrétien qui compte plus de 4.000 "églises" différentes, selon des chiffres officiels, ont souvent suscité une vive opposition, au nom notamment de la liberté de culte.
Ce "massacre" a également suscité des critiques envers les autorités policières et judiciaires.
Le "pasteur" Mackenzie avait en effet été arrêté en 2017, accusé de "radicalisation" parce qu'il prônait de ne pas scolariser les enfants.
Il avait de nouveau été arrêté en mars, après la mort de deux enfants affamés par leurs parents liés à la secte. Il avait rejeté les accusations et été libéré sous caution.
B.Cretella--PV