Manifestations interdites: l'Action française pourra finalement tenir son colloque samedi
Un colloque organisé samedi après-midi à Paris par le mouvement royaliste Action française pourra finalement se tenir, la justice ayant suspendu l'interdiction prononcée vendredi par la préfecture de police après une instruction du ministère de l'Intérieur visant plusieurs manifestations d'"ultradroite".
"L'exécution de l'arrêté du préfet de police du 12 mai 2023 est suspendue", a indiqué le tribunal administratif de Paris dans une ordonnance transmise à l'AFP, quelques heures avant la tenue du colloque.
La préfecture de police a indiqué à l'AFP "prendre acte" de cette décision du tribunal qui ne donne pas ses motivations.
Elle avait publié cet arrêté vendredi, après une circulaire du ministre de l'Intérieur visant à interdire plusieurs "manifestations et rassemblements de l'ultradroite", suite à la polémique liée à la manifestation à Paris le 6 mai de militants d'ultradroite souvent visage caché et portant des croix celtiques.
"Notre colloque aura bien lieu ! Première victoire pour ce grand week-end", a réagi sur Twitter l'Action française, mouvement classé à l'extrême droite.
Ce colloque, intitulé "La France en danger", doit débuter à 14h30 dans le XIIe arrondissement de Paris.
L'organisation avait saisi la justice administrative d'un référé-liberté, une procédure d'urgence lorsque le requérant estime être en présence d'une "atteinte grave et manifestement illégale" à une liberté fondamentale de la part d'un service de l'Etat.
La préfecture de police a interdit au total six rassemblements organisés ce week-end à Paris, dont cinq à l'appel de mouvements classés à l'extrême-droite, faisant valoir un risque de troubles à l'ordre public.
Parmi eux, figure un autre événement à l'initiative de l'Action française, une manifestation en hommage à Jeanne d'Arc convoquée dimanche matin au départ de la Place de l'Opéra (IXe arr.).
L'organisation a affirmé avoir également déposé un référé-liberté auprès du tribunal administratif de Paris contre cette interdiction. "Nous aurons la réponse ce (samedi) soir", a indiqué à l'AFP une porte-parole du mouvement.
Une marche de l'association de militaires "Place d'armes" samedi après-midi a elle aussi été interdite, ainsi qu'un rassemblement dimanche matin devant la statue de Jeanne d'Arc déclaré par le mouvement d'extrême-droite "Les nationalistes", prévu en même temps que la manifestation de l'Action française.
Le dirigeant de ce groupuscule, Yvan Benedetti, a également déclaré à l'AFP avoir déposé un recours administratif contre l'arrêté d'interdiction.
Une sixième manifestation, de "gilets jaunes", qui devait emprunter le même parcours que celle de "Place d'armes", a également été interdite par le préfet de police.
- Juridiquement fragile -
Ces arrêtés sont la première traduction de l'instruction donnée mardi aux préfets par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin d'interdire désormais toute manifestation "de l'ultradroite ou de l'extrême droite".
L'instruction du ministre a été prise en réaction à la polémique suscitée par la manifestation samedi dernier à Paris du "Comité du 9-Mai".
Ces militants, habillés de noir et souvent masqués, ont exhibé des drapeaux noirs marqués de la croix celtique. Ils manifestaient pour commémorer le 29e anniversaire de la mort d'un militant d'extrême droite, Sébastien Deyzieu, décédé accidentellement en 1994.
Dans les arrêtés pris vendredi, le préfet de police Laurent Nuñez justifie l'interdiction notamment par le fait que les rassemblements s'inscrivent dans un "contexte particulièrement tendu" après "la polémique suscitée par la manifestation organisée par le Comité du 9-Mai".
Il pointe aussi le "risque de troubles à l'ordre public", alors que plusieurs de ces manifestations ont suscité des appels à des contre-rassemblements par des organisations "proches de la gauche radicale" et qu'une mobilisation de la "mouvance antifasciste" qui pourrait "tenter de s'en prendre physiquement" aux militants d'ultradroite est possible.
Le préfet fait également mention, dans certains arrêtés, des "risques de heurts" entre les militants d'extrême droite eux-mêmes, rappelant que certains s'étaient déjà battus lors de la précédente édition de cet hommage à Jeanne d'Arc.
Mais la décision de Gérald Darmanin a entraîné, elle aussi, une polémique, beaucoup la jugeant juridiquement fragile.
Interrogé mercredi par l'AFP, le professeur de droit public Serge Slama, avait ainsi estimé qu'une telle mesure ne pouvait être prise "de manière générale et absolue".
Des "éléments objectifs, pour étayer le risque de trouble à l'ordre public" doivent être produits au "cas par cas", avait-il expliqué.
O.Pileggi--PV