Pallade Veneta - Sénégal: l'opposant Sonko, menacé d'inéligibilité, lance un nouveau défi au pouvoir

Sénégal: l'opposant Sonko, menacé d'inéligibilité, lance un nouveau défi au pouvoir


Sénégal: l'opposant Sonko, menacé d'inéligibilité, lance un nouveau défi au pouvoir
Sénégal: l'opposant Sonko, menacé d'inéligibilité, lance un nouveau défi au pouvoir / Photo: MUHAMADOU BITTAYE - AFP

L'opposant sénégalais Ousmane Sonko, candidat déclaré à la présidentielle de 2024 et menacé d'inéligibilité, a lancé mercredi un nouveau défi à risques au pouvoir en annonçant son prochain retour à Dakar à la tête d'un convoi populaire à travers le pays.

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"Je vous donne rendez-vous à Dakar, soit (le président) Macky Sall recule, soit on lui fera face pour en finir", a lancé M. Sonko à des centaines de partisans exaltés accourus devant sa maison de Ziguinchor (sud), à l'annonce d'une prise de parole de sa part le lendemain de son procès pour viols, tenu en son absence.

M. Sonko a affirmé son intention de rentrer par la route et de transformer ces quelque 500 kilomètres de trajet en "caravane de la liberté". Puis il a paradé ceint du drapeau sénégalais au milieu de ses sympathisants chantant et scandant son nom.

Il a précisé plus tard sur les réseaux sociaux qu'il comptait se mettre en branle jeudi, et a appelé les Sénégalais à converger vers Dakar.

- Personnalité clivante -

C'est un nouvel acte de défiance à l'encontre des autorités de la part du président du parti Pastef-les Patriotes, troisième de la présidentielle en 2019, personnalité clivante mais populaire chez les moins de 20 ans qui représentent la moitié de la population.

Mardi, M. Sonko a brillé par son absence à son procès pour viols, disant craindre pour sa sécurité et remettant en cause l'impartialité de la justice. Il a toujours réfuté les accusations et crié au complot du pouvoir pour l'écarter de la présidentielle.

L'enjeu dépasse les moeurs. M. Sonko risque son éligibilité, déjà compromise par une condamnation à six mois avec sursis pour diffamation contre un ministre.

La "caravane de la liberté" s'annonce comme un exercice aléatoire, tangent à la date du verdict qui doit être prononcé le 1er juin.

Plusieurs jours avant son procès, M. Sonko s'est retranché à Ziguinchor, ville dont il est le maire. Ses partisans ont monté une garde étroite et menaçante autour de son domicile pour parer une éventuelle tentative d'arrestation. Les autorités et la justice ont fait le choix de ne pas chercher à l'arrêter.

La mobilisation de ses supporteurs, à l'occasion de ses rendez-vous avec la justice notamment, a régulièrement donné lieu à des incidents et des troubles, y compris mortels.

En 2021, l'interpellation de M. Sonko lors de son déplacement en cortège jusqu'au tribunal où il était convoqué, alors que l'affaire de viols présumés venait d'éclater, a contribué à déclencher plusieurs jours d'émeutes qui ont fait au moins une douzaine de morts.

La tension s'annonce à nouveau forte autour du 1er juin.

- "Remobiliser les troupes" -

Se retirer à Ziguinchor a permis "de gagner du temps" et de "remobiliser les troupes un peu partout", a assuré M. Sonko mercredi.

Le bras de fer politico-judiciaire livré par M. Sonko défraie la chronique depuis 2021. Le feuilleton a atteint un nouveau sommet mardi avec un procès mené au pas de course, occasion d'un déballage rompant avec la pudeur de rigueur au Sénégal et partagé en temps réel avec le grand public par les journalistes présents grâce à internet.

Le procureur Abdou Karim Diop a requis la condamnation de M. Sonko à dix ans de réclusion pour viols, ou au minimum à cinq ans de prison pour "corruption de la jeunesse", ainsi qu'un an de prison pour les menaces de mort qu'il aurait proférées contre la plaignante.

M. Sonko est visé par la plainte d'Adji Sarr, 23 ans, employée du salon Sweet Beauté. La jeune femme, devenue une célébrité à son corps défendant et placée sous protection policière, a maintenu au procès que M. Sonko avait abusé d'elle - "cinq fois" - entre 2020 et début 2021 et l'avait menacée de mort si elle parlait.

M. Sonko l'a décrite mercredi soir comme une "jeune fille manipulée, à qui on a promis passeport diplomatique et exil à l'étranger, (en) plus (de) fortes sommes d'argent", une "pauvre demoiselle qui n'est pas si innocente que cela puisqu'elle aurait pu se rétracter depuis longtemps".

"Tôt ou tard elle paiera le prix fort de son forfait", a-t-il dit.

Mme Sarr a toujours persisté à réclamer justice.

Le gouvernement dément toute instrumentalisation de la justice et allègue une affaire privée.

U.Paccione--PV