Pallade Veneta - Procès d'un bizutage mortel en Belgique: 18 étudiants fixés sur leur sort

Procès d'un bizutage mortel en Belgique: 18 étudiants fixés sur leur sort


Procès d'un bizutage mortel en Belgique: 18 étudiants fixés sur leur sort
Procès d'un bizutage mortel en Belgique: 18 étudiants fixés sur leur sort / Photo: ERIC LALMAND - BELGA/AFP/Archives

Abruti par l'alcool, incapable de réagir, Sanda Dia n'avait pas survécu à une surdose de sodium liée à l'ingestion d'huile de poisson. Une cour d'appel belge se prononce vendredi sur le sort de dix-huit camarades de cet étudiant de 20 ans jugés pour son bizutage fatal.

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Le drame, qui remonte à décembre 2018, avait suscité une vive émotion en Belgique, où les "baptêmes estudiantins" sont une tradition bien ancrée, avec leurs soirées alcoolisées et leur lot de dérapages.

Il est toutefois rare qu'ils finissent devant les tribunaux, comme pour ce rite d'intégration organisé par la fraternité flamande Reuzegom, à la réputation de "club élitiste" aux idées conservatrices, bien implantée à l'Université catholique de Louvain (KU Leuven).

La mort de Sanda Dia, un Anversois né de père mauritanien, a conduit au renvoi en correctionnelle de dix-huit membres du groupe, poursuivis, selon les cas, pour "traitements dégradants", "administration de substance nocive ayant entraîné la mort", "négligence coupable" voire "homicide involontaire".

Vendredi, la procédure pourrait connaître son dénouement avec l'arrêt que la cour d'appel d'Anvers (nord) doit prononcer en fin de matinée.

Entamé à l'automne 2021 à Hasselt (nord-est), le procès en première instance avait été suspendu au printemps 2022. Le tribunal correctionnel de cette ville ne s'estimait pas compétent pour juger l'ensemble du bizutage, qui s'est déroulé sur 48 heures en plusieurs endroits.

Une appréciation contestée par les parents de la victime, parties civiles au procès, pour qui "l'horreur" devait être abordée "dans son entièreté".

Conséquence: le dossier a été repris et entièrement rejugé en mars à Anvers, où la cour d'appel devrait statuer sur la responsabilité de chacun des 18 suspects sur toute la séquence.

- Séjour dans l'eau glacée -

Des peines allant de 18 à 50 mois de prison ont été réclamées par le parquet il y a deux mois, assorties d'amendes s'élevant jusqu'à 8.000 euros et de cinq ans de privation des droits civiques.

Le 4 décembre 2018 à Louvain, où il suivait des études d'ingénieur, Sanda Dia avait dû ingurgiter une quantité phénoménale d'alcool, au lendemain d'une épreuve de vente de roses dans la rue dont il était ressorti moins bien classé que deux autres camarades bizutés.

L'enquête a montré qu'après plusieurs bières, il avait bu à lui seul une bouteille de gin, et que l'objectif était de ne pas le laisser désaoûler. Le robinet du lavabo de son appartement avait été scellé au ruban adhésif pour l'empêcher de s'hydrater.

Le lendemain, les épreuves s'étaient poursuivies autour d'un chalet isolé de la périphérie d'Anvers. Cette fois, le "bizut" devait séjourner dehors dans le froid dans un trou rempli d'eau glacée, après avoir avalé une mixture salée à base d'huile de poisson.

Quand Sanda Dia avait été admis le 5 décembre au soir aux urgences d'un hôpital proche, la température de son corps était tombée à 28,7 degrés, une hypothermie rendant "toute prise de sang impossible", a raconté lors du premier procès en 2021 un des médecins l'ayant examiné.

Il avait rapidement été transféré en soins intensifs dans un autre hôpital, mais les médecins n'étaient pas parvenus à le réanimer.

Son décès est constaté le 7 décembre. Le dossier conclut qu'il a succombé à un oedème cérébral consécutif à des teneurs en sodium anormalement élevées dans son corps.

Au cours du second procès en mars, plusieurs prévenus ont dit avoir pris conscience de la gravité des faits et présenté des excuses à la famille pour n'avoir pas su stopper cet enchaînement fatal.

Ces regrets n'ont pas apaisé la colère d'Ousmane Dia, le père de la victime. "On prétend ici que Sanda était un ami de ces messieurs (...) Ce n'est pas vrai! On ne laisse pas tomber un ami", a-t-il lancé à la cour.

La mère, Annemie De Vel, veut croire que la décision de vendredi mettra "un point final" à ce long combat judiciaire. "Même s'il nous restera des questions", lâche à l'AFP son avocate Nathalie Buisseret.

M.Jacobucci--PV