Colonna: des milliers de manifestants en Corse, une information judiciaire ouverte
Une manifestation a réuni des milliers de personnes à Corte (Haute-Corse) dimanche après la violente agression du militant indépendantiste corse Yvan Colonna par un codétenu, qui a provoqué l'ouverture d'une information judiciaire pour "tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste".
A Corte, 4.200 personnes selon la préfecture, 15.000 selon les organisateurs, ont défilé derrière des banderoles "Gloire à toi Yvan" et "Etat français assassin", dénonçant la responsabilité des autorités dans l'agression qui a laissé dans le coma Yvan Colonna, condamné à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Erignac en Corse.
Des incidents ont éclaté en fin de manifestation, des groupes lançant projectiles et "bombes agricoles" (bombes artisanales) sur les forces de l'ordre massées pour protéger l'accès à la sous-préfecture. Ces dernières ont répliqué avec des canons à eau et des gaz lacrymogènes, a constaté une équipe de l'AFP.
Les pompiers ont dénombré 25 blessés parmi les manifestants dont 15 ont été transportés à l'hôpital. "Il n'y a pas de cas grave, pas de pronostic vital engagé, ce sont essentiellement des sutures et des blessures par éclat", a indiqué à l'AFP Christophe Hebert, médecin chef du Sdis de Haute-Corse.
Vers 18H30, tous les manifestants s'étaient dispersés et les incidents étaient terminés.
A Paris, le procureur antiterroriste Jean-François Ricard a souligné que "pour la cinquième fois depuis 2016, c'est dans un établissement pénitentiaire qu'un crime terroriste a été commis par les jihadistes".
L'agresseur du militant indépendantiste corse, Franck Elong Abe, qui a passé quatre jours en garde à vue, sera présenté à des juges d'instruction parisiens en vue de sa mise en examen pour "tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste". Le parquet va requérir son placement en détention provisoire.
- "Eclaircir d'éventuelles interactions" -
L'enquête s'attachera à "retracer avec la plus grande minutie le parcours en détention" de l'agresseur, "déterminer la totalité de ses contacts notamment parmi les personnes partageant son idéologie" et "éclaircir les éventuelles interactions (...) susceptibles d'avoir joué un rôle dans les faits", a précisé M. Ricard.
Incarcéré à Arles, Smaïn Ait Ali Belkacem, ancien du Groupe islamique armé algérien (GIA) condamné à perpétuité pour l'attentat à la station RER Musée d'Orsay en 1995 à Paris, a été placé samedi en garde à vue, selon une source proche du dossier.
Il s’agit de "savoir ce qu’il savait éventuellement du projet" de Franck Elong Abé, a ajouté cette source, confirmant une information du JDD. Un autre codétenu a été interrogé par la Direction générale de la sécurité intérieure mais "sans aucune suite", a précisé cette même source à l’AFP.
Franck Elong Abe, qui purgeait plusieurs peines, dont une de neuf ans pour "association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme", a, lors de sa garde à vue, expliqué son acte "par ce qu'il considérait comme des blasphèmes" proférés selon lui ces derniers mois par Yvan Colonna, a indiqué le procureur du Parquet national antiterroriste (Pnat).
Colonna aurait notamment déclaré quelques jours avant l'agression qu'il "crachait sur Dieu", selon M. Ricard.
- "Acharnement systématique" -
Retraçant le déroulement de l'agression, le procureur a déclaré que "l'acharnement systématique déployé par le mis en cause" ne laissait "que peu de doutes sur son intention homicide".
L'agression a eu lieu dans une salle de sport où se trouvaient les deux hommes.
Il a "pendant plus de huit minutes (...) porté des coups violents à la victime" et "mis en œuvre des techniques de strangulation et d'étouffement, y compris en utilisant des sacs poubelle et des serviettes".
Le pronostic vital d'Yvan Colonna est "toujours engagé", selon M. Ricard.
La famille d'Yvan Colonna, par la voix de son avocat, Me Patrice Spinosi, a regretté que le procureur antiterroriste n'ait apporté "aucune réponse aux questions" qu'elle se pose et n'ait "nullement fait mention des fautes de surveillance de l'Administration pénitentiaire".
Le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand s’est dit prêt sur France 3 dimanche à la création d’une commission d’enquête parlementaire sur l’agression d'Yvan Colonna.
Depuis l'agression, plusieurs manifestations ont eu lieu en Corse, devant les préfectures, jusqu'à l'importante mobilisation de dimanche à Corte.
edy-mc-alh-iw/jp/or
O.Merendino--PV