Fonds Marianne: Marlène Schiappa sur le gril de la commission d'enquête du Sénat
Au tour de la ministre d'être auditionnée: devant la commission d'enquête du Sénat, Marlène Schiappa doit clarifier mercredi son rôle dans la gestion controversée du Fonds Marianne qu'elle a lancé en avril 2021 pour lutter contre le "séparatisme".
L'actuelle secrétaire d'Etat à l'Economie sociale et solidaire est entendue à partir de 10h par les sénateurs, au lendemain de perquisitions chez plusieurs acteurs-clés de ce dossier et alors que les rumeurs de remaniement gouvernemental s'accélèrent.
C'est Marlène Schiappa, alors ministre déléguée à la Citoyenneté, au ministère de l'Intérieur, qui a lancé le 20 avril 2021 ce fonds, initialement doté de 2,5 millions d'euros, six mois après l'assassinat de Samuel Paty. Il visait à financer des associations défendant "les valeurs de la République" en apportant, sur les réseaux sociaux, des "contre-discours" à l'islam radical.
Suite à des informations de presse, fin mars, sur une éventuelle utilisation douteuse des fonds, une enquête administrative (IGA) est lancée, une commission d'enquête parlementaire se met en place et une enquête confiée à un juge d'instruction est ouverte par le parquet national financier (PNF).
Première conséquence la semaine dernière: Christian Gravel, le patron du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), l'organisme gestionnaire du fonds au sein du ministère de l'Intérieur - sous la coupe de Mme Schiappa - démissionne.
Le rapport de l'Inspection générale de l'administration est en effet accablant à son égard: il dénonce, entre autres, le "traitement privilégié" par le CIPDR de la principale association bénéficiaire, l'Union des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire (USEPPM). Quelque 355.000 euros de dotation devaient lui être octroyés.
Dans cette affaire, Mme Schiappa, est-elle intervenue d'une manière ou d'une autre dans le processus de sélection des 17 associations lauréates ? Et en particulier auprès de l'USEPPM ?
- "faux" et "démenti" -
Mi-avril, Mohamed Sifaoui, l'un des deux responsables de l'USEPPM, avait assuré qu'il avait été encouragé à postuler "par les membres du cabinet de Mme Schiappa et par elle-même".
Au fil des auditions au Sénat, plusieurs témoignages ont montré que celui-ci a été reçu à plusieurs reprises, avant-même le lancement du fonds, au cabinet de la ministre.
Sébastien Jallet, l'ex-directeur de cabinet de Mme Schiappa, a révélé mercredi dernier que la ministre était en tout état de cause intervenue pour écarter une association pourtant validée par le comité de sélection, sans dévoiler son nom. Il s'agit de SOS Racisme, selon son président Dominique Sopo, lequel avait présenté une demande de subvention de 100.000 euros.
Début avril, Mme Schiappa s'était vivement défendue de tout manquement. "Le choix (des 17 associations lauréates, ndlr) s'est fait via l'administration, à la manœuvre dans le respect de toutes les procédures", indiquait un communiqué de son cabinet. "Affirmer à tort qu'il s'agissait d'une décision ad hominem de Marlène Schiappa est totalement faux et démenti par la procédure", était-il dit.
Christian Gravel avait, lui, lors de son audition, fustigé une "commande politique" de la ministre.
La ministre joue-t-elle son avenir politique ? Dimanche, la première ministre Elisabeth Borne, interrogée dans Dimanche en Politique sur France 3 avait loué en elle "quelqu'un qui a beaucoup de personnalité, qui souhaite s'investir".
"Je ne pense pas que ce soit nécessaire" qu'elle quitte le gouvernement, avait-elle ensuite affirmé du bout des lèvres, semblant embarrassée à lui apporter son soutien.
Tel n'est pas l'avis de LFI qui tire à boulets rouges sur la ministre. "Démissionnez", a tonné le député Aurélien Saintoul lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale mardi à l'adresse de Mme Schiappa absente de l'hémicycle.
Le rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) publié il y a une semaine lui est plutôt favorable. Celui-ci note que selon les "témoignages", "la ministre déléguée s'est effacée du processus, une fois passé le lancement officiel" du Fonds.
L'affaire a provoqué d'autres secousses: des perquisitions visant plusieurs acteurs-clés du dossier ont eu lieu mardi dans le cadre de l'enquête judiciaire.
Les policiers financiers ont notamment ciblé le domicile du médiatique Mohamed Sifaoui, l'un des deux responsables de l'USEPPM. Celui-ci qui devait être initialement entendu par les sénateurs mardi matin, déposera finalement devant la commission d'enquête jeudi. Auparavant il aura rendez-vous mercredi à Nanterre au siège de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF).
R.Zaccone--PV