Affaire le Tan : dès l'ouverture, Reiser conteste toute préméditation
"Je n'avais pas prévu de me retrouver avec un corps, j'étais emmerdé" : dès l'ouverture de son procès en appel pour l'assassinat de Sophie Le Tan en 2018, Jean-Marc Reiser a contesté mardi toute préméditation, niant même l'intention homicide.
"Je n'aurais pas fait appel si la préméditation et l'intention homicide n'avaient pas été retenues" en première instance, a affirmé devant la cour d'assises du Haut-Rhin l'accusé de 62 ans, vêtu d'un tee-shirt gris et d'un jean. "Moi j'ai dit la vérité, on n'a pas voulu me croire, j'ai fait appel à cause de ça", a-t-il ajouté.
A l'issue du premier procès, en juin 2022 devant la cour d'assises du Bas-Rhin, il avait été reconnu coupable d'assassinat sur la jeune étudiante en gestion et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans.
Alors, invité à prendre la parole, Jean-Marc Reiser a exposé sa version de sa rencontre fatale avec Sophie Le Tan, venue visiter le 7 septembre 2018 en banlieue de Strasbourg un appartement qu'il avait proposé à la location via une annonce postée sous pseudonyme sur le site LeBonCoin.
"J'ai perdu les pédales", a convenu l'accusé, expliquant comment la jeune femme l'avait "repoussé" et "insulté" alors qu'il "voulai(t) lui faire la bise".
"Je lui ai mis des coups de poing pour qu'elle se taise, ça a duré quelques secondes, elle est tombée comme une masse." Mais "je n'avais pas prévu de me retrouver avec un corps, j'étais emmerdé", a-t-il poursuivi, qualifiant l'accusation de préméditation de "totalement farfelue".
"J'habite au sixième étage, je ne savais pas comment faire pour sortir le corps. Je suis allé cherché la valise, j'ai vu que le corps ne rentrait pas, j’ai pas eu l'idée d'aller acheter une valise plus grande", a-t-il ajouté pour expliquer comment il en était arrivé à démembrer sa victime avant de la transporter dans deux valises pour l'enterrer en forêt, à une quarantaine de kilomètres de Strasbourg.
- "Insupportable et douloureux" -
La prise de parole de Jean-Marc Reiser est venue clore une matinée au cours de laquelle la présidente de la cour, Christine Schlumberger, a raconté, dans une atmosphère pesante, comment cet homme imposant et froid avait publié successivement, sous diverses identités, trois annonces immobilières proposant un petit appartement à louer, et comment il n'avait pas honoré les précédents rendez-vous avec de potentielles locataires lorsqu'elles étaient venues accompagnées.
A l'évocation des faits, le chagrin a assailli les proches de Sophie Le Tan. Sa mère a quitté la cour d'assises en pleurs.
"C'était insupportable et douloureux, et ce n'est que le premier jour", a expliqué Laurent Tran Van Mangh. Les témoignages des membres de la famille sont attendus vendredi.
La cour a également pris connaissance du parcours de l'accusé, dont le casier judiciaire présente huit condamnations, notamment pour des tentatives de cambriolages alors qu'il touchait le RSA.
Ses cinq précédentes comparutions devant les assises (pour une seule condamnation définitive, en 2003, pour des faits de viol et agression sexuelle) ont aussi été évoquées, dont la disparition d'une autre femme pour laquelle Jean-Marc Reiser a été acquitté en 1987, et sur laquelle a souhaité revenir la partie civile, au grand agacement de la défense.
"Il n'est pas question de revenir sur une affaire pour laquelle un accusé a été acquitté", a tranché la présidente.
- Instabilité et isolement -
Invitée à témoigner, l'enquêtrice de personnalité a abordé l'alcoolisme et les violences conjugales du père de Jean-Marc Reiser, "problématique majeure dans la construction de la famille", et "l'instabilité" dans laquelle il a grandi, à l'origine de son "isolement".
Elle a rappelé le lien qui l'unissait à son grand-père maternel, seule figure "protectrice", et enterré le jour de son anniversaire, "ce qui questionne sur l'attention des parents aux émotions de leur enfant".
Sur son parcours d'adulte, elle a décrit l'accusé comme un homme "intelligent", aux résultats "supérieurs à la moyenne", facteur devenu fonctionnaire de catégorie A, mais pour qui la "question des violences conjugales" est une "constante", relevée dans toutes les relations qu'il a pu entretenir avec ses compagnes successives.
"Mon frère, il a un problème, je sais pas quoi", a déclaré sa sœur Christine à la barre. "Peut-être dans l'enfance ils ont loupé quelque chose". Pour la seule fois de la journée, Jean-Marc Reiser, regard au sol, n'a rien voulu ajouter.
A.dCosmo--PV