Dans une ville hawaïenne carbonisée, les cendres et le chagrin
Depuis trois jours, Anthony Garcia balaie sans relâche au milieu des cendres. Sur la petite place de Lahaina où, habituellement, les touristes se pressent, il entasse des branches noircies et des cadavres d'animaux tués par les flammes.
"C'est difficile à encaisser", confie cet homme de 80 ans, en observant les ruines de cette ville hawaïenne qui lui a apporté "tant de joie".
Originaire de Californie, il était venu à Lahaina pour un week-end en 1993, et n'est finalement jamais reparti. Il a désormais tout perdu.
Employé d'un immeuble résidentiel sur l'île, Anthony Garcia loue un appartement près d'une rue touristique, connue pour ses bars, ses restaurants et ses magasins de bibelots.
De tout cela, il ne reste rien. Les flammes, qui ont tué au moins 80 personnes, ont avalé guitares, documents, partitions de musique et souvenirs.
"Ça a tout pris, tout! Ça me brise le coeur", déclare à l'AFP l'octogénaire, ému.
Pour tenter d'oublier son chagrin et sa colère, Anthony Garcia nettoie les débris. A côté de lui se dresse un immense figuier des banians, emblématique de la ville, qui semble miraculeusement rescapé du feu.
"Cet arbre? Il était là depuis plus d'un siècle", dit-il. "Et là? C'est le premier tribunal de Lahaina. Plus loin? The Pioneer, ouvert en 1901, le premier hôtel de Hawaï!"
- Reconstruire -
Même la violence des combats auxquels il a participé durant la guerre du Vietnam n'avait pas émoussé la foi inébranlable d'Anthony Garcia en Dieu.
Mais, depuis les feux, il n'est plus si sûr.
"Je ne peux pas croire que Dieu ait laissé tout ça se passer", dit-il. "Je suis tellement en colère que je ne sais pas si je veux continuer à croire en lui."
A l'horizon, les vagues de l'océan turquoise se heurtent à la promenade, elle aussi presque entièrement brûlée. Il y a encore quelques jours, l'endroit était rempli de touristes dégustant des glaces ou prenant des selfies.
"Les matins, on entendait les oiseaux gazouiller", se souvient Anthony Garcia, qui n'a pas vu la moindre colombe depuis mardi, le jour où le feu s'est déchaîné.
Il voit en revanche ses voisins revenir, un à un, pour découvrir que leur maison n'est plus qu'un tas de cendres.
"Je suis triste pour tout le monde", soupire-t-il.
"Mais je vais rester là. Je ne veux pas aller ailleurs, je veux aider à reconstruire", affirme-t-il alors qu'un camion chargé de débris passe dans la rue.
Cette ville "a fait de moi un homme heureux", assure Anthony Garcia malgré sa douleur. "Donc je vais repartir de zéro. Nous devons recommencer."
F.Dodaro--PV