Le gouvernement appelle au calme en Corse et veut ouvrir des "discussions"
Au lendemain d'une manifestation en soutien au militant indépendantiste Yvan Colonna, qui a viré à l'"émeute" selon la justice, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé lundi qu'il se rendra en Corse pour discuter avec "l'ensemble des élus de l'île".
Depuis la violente agression en prison d'Yvan Colonna, condamné à la perpétuité pour l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998, les tensions ne faiblissent pas sur l'île, et ont atteint un pic dimanche à Bastia avec des heurts très violents qui ont fait 67 blessés dont 44 chez les forces de l'ordre.
Lundi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé qu'il se rendrait en Corse mercredi et jeudi pour "ouvrir" un "cycle de discussions" avec "l'ensemble des élus et des forces vives de l'île", juste avant la période de réserve électorale qui débute vendredi.
Le gouvernement a "entendu les demandes des élus de Corse sur l'avenir institutionnel, économique, social ou culturel" de cette île de 340.000 habitants, a ajouté le ministre, notamment "celles du président du conseil exécutif" de ce territoire, Gilles Simeoni, favorable à une autonomie plus large.
Une demande finalement acceptée, après des années de refus par le Premier ministre, qui a d'abord levé ce statut pour Yvan Colonna puis, vendredi, pour Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, deux autres membres du "commando Erignac", qui devraient donc pouvoir purger le reste de leur peine dans une prison corse.
Mais les responsables nationalistes corses attendent désormais le retour physique dans l'île des prisonniers et même leur libération. Ils demandent aussi la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les conditions de l'agression d'Yvan Colonna, et "l'ouverture d'un "véritable dialogue" entre l'Etat et la Corse pour trouver "une solution politique globale" selon les mots de M. Simeoni à l'AFP.
- Poste centrale endommagée -
Pour Gérald Darmanin toutefois, "aucun dialogue ne peut débuter" sans un préalable "retour au calme".
"Les scènes de la nuit étaient d'une extrême violence", a déclaré lundi à l'AFP Arnaud Viornery le procureur de Bastia. Une personne interpellée est en garde à vue, a ajouté le magistrat qui avait regretté dès dimanche les "émeutes" dans la ville.
Dans un communiqué, le syndicat de police Unités SG Police a dénoncé une situation "quasi-insurrectionnelle".
D'après le procureur, les émeutiers ont utilisé "des pièces de tuyauteries bouchées des deux côtés, remplies de poudre et de plomb et mises à feu par des mèches" ainsi que des "grenades artisanales avec des clous".
Lundi, le calme était revenu dans les rues de Bastia, nettoyées, ont observé les journalistes de l'AFP. Aucune boutique n'a été saccagée, les émeutiers s'en étant pris à des bâtiments publics, symboles à leurs yeux de "l'Etat français".
Un engin explosif a provoqué d'importants dégâts à l'intérieur de la poste centrale de Bastia, a ajouté le procureur. Lundi, La poste était fermée, l'entrée barrée par des planches en bois, a constaté une journaliste de l'AFP. Sur un des murs était écrit: "Gaulois de merde" et "IFF" (pour "Français dehors" en langue corse).
Un feu avait aussi été allumé par des protestataires dans les locaux de la direction départementale des finances publiques, dont des bureaux ont été détruits par les flammes.
Un autre engin explosif a été retrouvé à proximité de la préfecture et "neutralisé par les démineurs".
Il s'agissait de la plus importante manifestation depuis l'agression d'Yvan Colonna, rassemblant 7.000 personnes selon les autorités, 12.000 selon les organisateurs contre 4.200 selon les autorités et 15.000 selon les organisateurs une semaine plus tôt à Corte (Haute-Corse).
Selon un sondage Ifop diffusé par le quotidien Corse-Matin dimanche, 53% des Français sont favorables à l'autonomie de la Corse, et 35% seulement à son indépendance. Le sondage a été réalisé auprès d'un échantillon de plus de 1.000 personnes représentatif de la population française entre jeudi et vendredi.
F.M.Ferrentino--PV