Guatemala: la justice suspend la disqualification du parti du président élu Arevalo
Le président élu du Guatemala Bernardo Arévalo avait dénoncé la disqualification de son parti politique, obtenue par le parquet et critiquée par l'UE et les Etats-Unis, comme un projet de "coup d'Etat". Mais dimanche le tribunal suprême électoral (TSE) l'a temporairement levée.
"La résolution (...) émise par le directeur du Registre des citoyens est suspendue jusqu'à la conclusion du processus électoral" le 31 octobre, a ordonné le TSE dans une résolution lue dimanche par son porte-parole, Luis Gerardo Ramirez.
"Il n'est ni raisonnable ni prudent d'exposer la validité des organisations politiques (...) jusqu'à ce que le processus électoral soit terminé", ajoute la résolution du TSE qui a appelé au "respect de la volonté populaire exprimée dans les urnes".
La direction du Registre des citoyens dépend du TSE mais opère de manière autonome. Si le TSE a déjà validé la victoire de M. Arévalo, le président élu doit encore, parmi d'autres formalités, recevoir ses lettres de créance avant la clôture du processus électoral.
Ce n'est qu'une étape dans la bataille judiciaire engagée contre le parti Semilla par le ministère public, qui en début de semaine avait obtenu de la direction du Registre des citoyens, à la demande d'une juge, sa suspension provisoire.
Une décision vivement critiquée par les Etats-unis mais également par l'UE qui a dénoncé "les tentatives persistantes de saper les résultats des élections par des actions juridiques et procédurales sélectives et arbitraires".
A Washington, le chef de la mission électorale de l'Organisation des Etats américains (OEA) au Guatemala, Eladio Loizaga, a également mis en garde vendredi contre une possible "rupture de l'ordre constitutionnel au Guatemala".
Si la perte du statut juridique du parti Semilla, à la tête duquel M. Arévalo a remporté haut la main la présidentielle du 20 août sur une promesse de lutte contre la corruption, ne pouvait empêcher son investiture le 14 janvier prochain, elle limitait cependant l'action de ses 23 nouveaux députés au Parlement: présidence de commissions, levée de fonds, inscription de nouveaux membres.
Le président élu avait dénoncé vendredi "un coup d'Etat promu par les institutions qui devraient garantir la justice dans notre pays".
Le juge Fredy Orellana avait ordonné au TSE, sur demande du procureur Rafael Curruchiche, de suspendre le parti et d'enquêter sur des anomalies présumées concernant l'enregistrement de membres lors de sa formation en 2017. M. Arévalo a également mis en cause la procureure générale Consuelo Porras
Mme Porras et MM. Orellana et Curruchiche figurent sur une liste américaine d'acteurs "corrompus".
Samedi, le parquet s'était défendu de ces accusations : "Il est totalement faux (de dire) que le ministère public participe à un processus de coup d'Etat comme l'a fait de manière irresponsable le président élu", a-t-il affirmé dans un communiqué.
- "Moment crucial" -
"La décision du TSE d'arrêter la suspension de notre parti apporte de la sérénité à ce moment crucial de l'histoire, où la démocratie livre sa meilleure bataille, soutenue par les gens honnêtes et droits de ce pays", a déclaré à l'AFP Nino Matute, membre de Semilla et conseiller municipal dans la capitale.
Selon le député de Semilla, Raul Barrera, "même si ses effets ne sont que temporaires, cette résolution a une grande valeur". "L'Assemblée plénière des magistrats du TSE demande expressément (...) de garantir le transfert du pouvoir aux élus", a-t-il écrit sur le réseau social X (ex-Twitter).
Les procureurs Porras et Curruchiche mènent également une croisade, internationalement critiquée, contre les juges, procureurs et journalistes qui ont combattu la corruption dans le pays.
Le Guatemala est enlisé dans une spirale de pauvreté, de violence et de corruption, des maux qui poussent des milliers de Guatémaltèques à émigrer chaque année, notamment vers les Etats-unis.
L'élection de M. Arévalo, sociologue et député social-démocrate de 64 ans, met fin à un cycle de 12 ans de gouvernements de droite dans l'un des 30 pays les plus corrompus du monde selon l'ONG Transparency International
J.Lubrano--PV