Suède: un Russo-suédois en procès, soupçonné d'espionnage pour la Russie
Sergueï Skvortsov, un sexagénaire russo-suédois, a commencé à comparaître lundi devant un tribunal de Stockholm, soupçonné d'avoir transmis des technologies occidentales pendant près de dix ans aux services de renseignement militaire russe.
Vêtu d'un jean bleu, d'une chemise et d'une veste grise, Skvortsov doit répondre de l'accusation "d'activités de renseignement illégales" au détriment de la Suède et des Etats-Unis, après une enquête de la police suédoise menée avec l'aide du FBI américain.
Il s'est installé en Suède avec sa femme dans les années 90, et aurait recouru à des sociétés d'import-export de composants électroniques qu'il dirigeait pour ses activités d'espion.
Ses entreprises ont servi de plateforme pour "le service de renseignement militaire russe GRU et pour une partie du système d'Etat russe" afin de leur transférer illégalement des technologies occidentales, a dit le procureur Henrik Olin à la cour.
Selon des experts cités par les médias suédois, de telles technologies ont pu servir notamment à la recherche sur les armes nucléaires.
Ce procès intervient dans un contexte d'inquiétudes accrues des autorités suédoises pour la sécurité nationale, quelques mois après la condamnation d'un ex-agent du renseignement suédois pour espionnage aggravé au profit de la Russie.
Skvortsov, en détention depuis son arrestation en novembre 2022, risque jusqu'à quatre ans de prison.
"Il n'est coupable d'aucune accusation formulée par le procureur", a déclaré son avocate, Ulrika Borg aux juges.
Le procès doit durer jusqu'au 25 septembre mais se déroulera en partie à huis clos pour des motifs de sécurité nationale.
Pour le procureur, Skvortsov s'est mis au service d'un système d'Etat bien rôdé.
"Il s'agit d'un système d'acquisition illégale de technologies, une organisation qui remonte à l'époque soviétique. Cela nécessite des agents, des relais dans le monde entier qui permettent l'approvisionnement de l'industrie militaire", a dit Henrik Olin.
"Sergueï Skvortsov était l'un de ses relais dans un réseau global", a-t-il ajouté.
L'homme avait été arrêté le 22 novembre 2022 à l'aube dans sa maison d'une banlieue huppée de Stockholm au cours d'une spectaculaire opération d'unités commando de la police ayant mobilisé deux hélicoptères.
Il aurait espionné les Etats-Unis depuis le 1er janvier 2013 et la Suède depuis le 1er juillet 2014, jusqu'à son arrestation.
"Il faisait courir un risque grave aux intérêts nationaux en matière de sécurité, tant en Suède qu'aux Etats-Unis", avait dit à l'AFP le procureur Henrik Olin, avant son procès.
"Il suffit de regarder le champ de bataille en Ukraine pour voir que le complexe militaro-industriel russe a besoin de cela", a-t-il ajouté.
-Filière américaine?-
En 2016, la justice américaine avait arrêté et jugé, essentiellement à New York, des personnes ayant fourni au système militaire russe des appareils électroniques.
"L'analyse des autorités américaines est que l'accusé a pris leur suite", a dit M. Olin avant le procès.
Les enquêteurs suédois ont retrouvé des mails du ministère de la Défense russe envoyés à Skvortsov et ils ont saisi à son domicile des ordinateurs, disques durs, clés USB et téléphones mobiles, recensés parmi les 81 pièces à conviction dévoilées dans l'acte d'accusation.
Le Premier ministre suédois Ulf Kristersson a jugé en juillet que son pays devait affronter "la situation la plus sérieuse du point de vue de la sécurité depuis la Seconde Guerre mondiale".
"Des pays et des acteurs étatiques pourraient profiter de la situation", avait-il dit. Le ministre suédois de la Justice a estimé que la Russie, au même titre que l'Iran et la Chine, figuraient parmi les menaces.
Le procès intervient peu après la conclusion d'une autre spectaculaire affaire d'espionnage au profit de la Russie.
La justice suédoise a condamné en janvier à la prison à perpétuité un ex-agent du renseignement suédois, reconnu avec son frère coupables d'"espionnage aggravé".
H.Lagomarsino--PV