Le coeur lourd, Washington dit adieu à ses pandas qui s'en vont en Chine
Elle a parcouru des centaines de kilomètres, affronté la pluie glaciale mais, pour rien au monde, Jane Christensen n'aurait raté l'occasion de revoir les pandas de Washington avant leur départ pour la Chine.
Il y a un demi-siècle, la sexagénaire est tombée sous le charme des pandas géants du Smithsonian National Zoo dans la capitale des Etats-Unis.
C'était quand la Chine avait offert deux spécimens à Washington dans le cadre de la "diplomatie du panda" qui a vu Pékin parachuter ses ursidés à travers la planète pour sceller l'amélioration de ses relations diplomatiques avec les uns et les autres.
"Depuis, j'ai la pandamania", dit-elle en admirant les mammifères malgré une pluie glaçante. Pour le privilège de revoir les mangeurs de bambou à la fourrure noire et blanche, elle a parcouru plus de mille kilomètres depuis le Michigan (centre-est).
Afin de célébrer dignement le départ d'ici fin 2023 de ses trois stars, le zoo organise jusqu'au 1er octobre une "panda palooza", soit une "teuf des pandas" qui attire des milliers de fans.
Pour beaucoup, c'est la dernière occasion de voir Mei Xiang, Tian Tian et l'un de leurs descendants, Xiao Qi Ji, ou "Petit miracle" né en 2020.
Leur départ est dû à l'expiration du contrat avec la Chine mais d'aucuns considèrent qu'il illustre l'état des relations de plus en plus tumultueuses entre Washington et Pékin.
La première paire d'ursidés fut offerte par Pékin aux Etats-Unis en 1972, dans la foulée d'une visite historique du président Richard Nixon dans la Chine communiste de Mao Tsé-Toung.
En 2000, Mei Xiang, Tian Tian furent prêtés au zoo et le premier contrat prévoyait le versement à Pékin de dix millions de dollars sur dix ans. Dans un communiqué, le Smithsonian explique que le contrat actuel prévoit le versement par le zoo de 500.000 dollars par an à son partenaire chinois, un groupe de protection de l'environnement.
- Live stream -
Le zoo a également déboursé des millions de dollars pour leur fournir des enclos adéquats et étudier leur comportement. Il a également installé un live-stream très populaire auprès du public, ainsi à même de les regarder à toute heure.
"Tous les jours, on les regardait en vidéo live, et on finit ici", dit à l'AFP Heidi Greco, qui a fait des heures de voiture pour venir en famille de l'Ohio (centre-est).
Sa fille Stormy est "obsédée" par les pandas, poursuit sa mère.
Les trois spécimens ne sont pas les seuls à quitter le sol américain pour la Chine.
Le zoo d'Atlanta, en Géorgie, dans le Sud des Etats-Unis, prévoit d'envoyer en Chine deux pandas jumeaux, probablement début 2024 puis leurs parents fin 2024.
"Quand j'ai entendu que ces pandas partaient, que les pandas d'Atlanta partaient, et qu'il n'y aurait plus de pandas en Amérique du Nord, j'étais vraiment bouleversée", poursuit Heidi Greco.
Mei Xiang et Tian Tian se sont montrés assez prolifiques et quatre de leurs petits ont survécu. Durant une visite du numéro un chinois Xi Jinping en 2015, son épouse et la Première dame avaient dévoilé ensemble le nom du dernier né du couple, Bei Bei.
- "Soft power" -
Las, aujourd'hui, la maison américaine des pandas va fermer, sur fond de tensions commerciales et de disputes sur Taïwan.
Kurt Tong, ancien diplomate américain et membre du cabinet de consultants Asia Group, n'est pas surpris.
Le gouvernement chinois a tendance à "octroyer" ses pandas "aux nations avec lesquelles les relations sont sur la pente ascendante, c'est une forme de soft power", écrit-il par mail à l'AFP. "Compte tenu de la tonalité actuelle des relations bilatérales, il n'est pas étonnant que les autorités chinoises laissent expirer leurs contrats avec des zoos américains".
Il reste environ 1.800 pandas à l'état sauvage dans le monde, d'après l'ONG WWF. La population augmente, mais l'espèce est toujours classée vulnérable sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature.
Malgré le départ de ses ursidés, le zoo assure qu'il "poursuivra ses efforts pour assurer un avenir sain aux pandas géants".
En attendant, les visiteurs sont nombreux à se presser devant leur enclos. Le panda est réputé être un peu lourd mais aujourd'hui, il fait des tours de piste, remonte et descend le terrain accidenté de son repaire, comme pour assurer à chacun une bonne photo.
R.Zaccone--PV