Attentat de Magnanville: la cour d'assises rend son verdict
Après deux semaines et demie d'audience, la cour d'assises spéciale de Paris rend son verdict mercredi à l'encontre de Mohamed Lamine Aberouz, jugé pour complicité dans l'assassinat d'un couple de policiers à leur domicile de Magnanville (Yvelines) le 13 juin 2016 au nom de l'organisation Etat islamique.
Le parquet a réclamé la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de 22 ans, à l'encontre de l'accusé jugé pour complicité d'assassinat sur personne dépositaire de l'autorité publique, complicité de séquestration de mineur et association de malfaiteurs terroriste criminelle.
S'il est reconnu coupable de complicité dans les assassinats de Jessica Schneider, 36 ans, fonctionnaire de police au commissariat de Mantes-la-Jolie et de son compagnon, Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, commandant au commissariat des Mureaux, Mohamed Lamine Aberouz encourt la perpétuité.
Si la cour ne retient que l'association de malfaiteurs terroriste, il encourt 20 ans de réclusion.
Lors de son délibéré, la cour, présidée par Christophe Petiteau et composée uniquement de magistrats professionnels, devra répondre à 16 questions pour établir la culpabilité ou non de l'accusé qui clame son innocence.
Pour les avocates générales, il n'y a aucun doute que l'accusé "était présent sur la scène du crime" aux côtés de son ami Larossi Abballa le soir de l'assassinat des policiers sous les yeux de leur fils âgé de trois ans.
L'accusation repose essentiellement sur une trace "ADN pure" de l'accusé, retrouvée sur le repose-poignet de l'ordinateur portable des victimes.
Si le crime a été revendiqué par Larossi Abballa avec son téléphone portable, l'enquête a démontré que l'ordinateur du couple a été utilisé pour chercher une photo de Jean-Baptiste Salvaing afin, selon l'accusation, de pouvoir l'identifier avant de l'assassiner.
La défense de Mohamed Lamine Aberouz soutient que cette trace provient d'un "transfert" d'ADN depuis la voiture de Larossi Abballa, où ont aussi été isolées des traces génétiques lui appartenant.
La semaine dernière, des experts ont qualifié cette hypothèse de peu probable, sans l'exclure totalement.
Face à ces doutes, les avocats de l'accusé, Mes Vincent Brengarth et Nino Arnaud ont plaidé l'acquittement.
"Acquitter Mohamed Lamine Abballa est la seule décision sage à prendre", a estimé Nino Arnaud. "Il n'y a aucune forme de faiblesse dans l'acquittement. Acquitter dans un moment comme celui-ci, c'est de la force. Il faut avoir du courage", a-t-il insisté.
"En toute sincérité, si vous n'acquittez pas dans ce dossier, alors l'acquittement en matière d'antiterrorisme est impossible. Ce serait une torsion des éléments qu'on n'a jamais vue avant", a renchéri son confrère Vincent Brengarth.
- "Douleur indescriptible" -
"Il était inéluctable, compte tenu à la fois des charges qui pèsent contre (Mohamed Lamine Aberouz) et de sa dangerosité, que ce soit la peine maximale prévue par la loi qui a été requise", a estimé au contraire l'avocat de la famille de Jessica Schneider, Me Thibault de Montbrial.
Josiane Schneider, 76 ans, la mère de la fonctionnaire de police égorgée, est "convaincue" que l'accusé "a été complice" de Larossi Abballa.
"Ma fille, je la connais, elle ne se serait pas laissé faire. Donc ma conviction, c’est qu'il y a obligatoirement un deuxième homme. Et pour moi, c'est lui", Mohamed Lamine Aberouz, a-t-elle dit en marge du procès.
L'assaillant, qui était connu des services de renseignement, avait été condamné à trois ans de prison, dont six mois avec sursis en 2013 pour "association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes".
Il a été abattu par les policiers du RAID lors de l'assaut pour libérer l'enfant du couple qu'il retenait en otage.
Selon Nino Arnaud, Larossi Abballa n'a eu besoin de personne pour commettre ses crimes. Il était "radicalisé" et "violent", a-t-il dit.
L'avocate de la famille de Jean-Baptiste Salvaing et de son fils, Me Pauline Dufourq, tout en retenue depuis l'ouverture du procès, a affirmé lors de sa plaidoirie que la "douleur indescriptible" de la famille Salvaing "ne sera jamais compensée par un homme dans un box ou par les années de prison qui pourront lui être infligées".
"La famille Salvaing ne souhaite pas que cette affaire soit instrumentalisée à des fins idéologiques ou politiques", a souligné l'avocate.
T.Galgano--PV