Crypto: Sam Bankman-Fried, jusqu'au-boutiste du mensonge, selon son ex
L'ex-petite amie et employée de Sam Bankman-Fried, Caroline Ellison, a décrit mercredi celui qui a un temps incarné les cryptomonnaies avant sa chute et son procès, comme un jeune homme pressé, prêt à mentir pour parvenir à ses fins sans jamais revenir en arrière.
"SBF", accusé de diverses fraudes et détournements, est jugé depuis début octobre à New York.
Après plus de six heures d'audition sur deux jours, Caroline Ellison a fini par craquer au moment d'évoquer les dernières heures de sa relation professionnelle avec Sam Bankman-Fried, début novembre.
La plateforme d'échange de cryptomonnaies FTX, dont il était l'actionnaire principal, s'acheminait alors inexorablement vers un dépôt de bilan, de même que la société d'investissement Alameda Research, autre créature de "SBF".
Les clients de FTX s'étant aperçus qu'une partie de leurs fonds avaient été utilisés, à leur insu, pour financer les activités d'Alameda, se pressaient pour récupérer leur argent, provoquant la chute des deux entités.
"Ce fut la pire semaine de ma vie", a expliqué, en larmes, la mathématicienne de 28 ans, devant un tribunal fédéral de Manhattan. Pour autant, "je ressentais du soulagement de ne plus avoir à mentir".
Pendant deux jours, elle a détaillé, pour le jury, la série de décisions prises, selon elle, par Sam Bankman-Fried qui ont fait dériver, en toute illégalité, FTX d'une plateforme classique à un distributeur automatique pour Alameda, ayant siphonné jusqu'à 14 milliards de dollars.
En plus de ces allégations, l'accusation a produit de nombreux tweets montrant que l'accusé avait menti au grand public, à maintes reprises et jusqu'à la faillite, sur la situation financière de FTX et d'Alameda.
Plusieurs documents et extraits de conversations ont également montré comment Sam Bankman-Fried avait sciemment cherché à tromper investisseurs et créanciers, notamment en demandant à Caroline Ellison de produire de faux bilans.
Il a également demandé à la témoin de faire passer dans les comptes d'Alameda une lourde perte d'environ 800 millions de dollars entraînée par un client de FTX, pour ne pas entacher la réputation de la plateforme.
Malgré les réserves de la responsable, "SBF" lui a aussi ordonné d'utiliser Alameda pour investir dans des sociétés du monde des cryptomonnaies, toujours grâce à l'argent de clients de FTX, ou de consentir pour près de 5 milliards de dollars de prêts personnels à des cadres du groupe, dont lui.
- Mû par le "bien commun" -
L'ancien magnat des cryptomonnaies lui a reproché de ne pas avoir souscrit des instruments financiers pour se couvrir contre les variations des cryptomonnaies, très volatiles, estimant que cela avait précipité la dégringolade d'Alameda.
"Mais c'était Sam qui m'avait demandé de faire ces investissements qui nous avaient mis dans cette situation", a-t-elle rétorqué.
Caroline Ellison a dit s'être inquiétée, au printemps 2022, auprès de Sam Bankman-Fried que certaines décisions prises au sein des deux sociétés soient contraires à la loi.
L'intéressé lui a répondu qu'il était utilitariste, une doctrine qui évalue les actions de chacun par rapport à sa capacité à augmenter le bien-être collectif.
Il "essayait d'agir pour le bien commun", a expliqué la témoin, et "il a dit qu'il ne pensait pas que le questionnement sur le mensonge ou le vol était pertinent dans ce contexte".
En fin d'audition, Caroline Ellison n'a pas caché qu'elle avait accepté de plaider coupable et de collaborer avec les services du procureur fédéral de Manhattan dans l'espoir d'une peine plus clémente, elle qui encourt 110 ans de prison au maximum.
Inculpé de sept chefs d'accusation, tout comme son ancienne petite amie, Sam Bankman-Fried encourt une peine similaire, mais ne peut espérer le même traitement, ayant plaidé non coupable.
Le procès se poursuit jeudi avec le contre-interrogatoire de Caroline Ellison par la défense.
Lors de ses prises de parole et dans des messages et écrits publiés avant son procès, Sam Bankman-Fried s'est systématiquement présenté comme un jeune dirigeant submergé, victime de l'incompétence ou du désintéressement de ses proches collaborateurs, en particulier Caroline Ellison, mais n'ayant jamais cherché à enfreindre la loi.
L.Bufalini--PV