Ouragan au Mexique: Acapulco espère sortir la tête de l'eau encore une fois
Doña Mago s'est levée samedi avec l'envie d'en découdre.
Puisque les secours officiels tardent à venir, la quinquagénaire a encouragé ses voisins à nettoyer eux-mêmes leur maison et à ramasser les décombres laissés par le passage de l'ouragan Otis qui a dévasté Acapulco, le légendaire port touristique dans le sud-ouest du Mexique.
"Nous allons lutter pour nous-même", explique à l'AFP Doña Mago alias Margarita Carmona, après avoir découpé à la machette des arbres arrachés par des vents qui ont soufflé à 270 km/heure mercredi peu après minuit. L'ouragan a provoqué la mort d'au moins 39 personnes, la plupart par noyade.
A ses côtés, Julián Matadama, un ouvrier de la construction, déblaie de la boue et des débris à l'aide d'une petite brouette avec d'autres voisins tandis que d'autres femmes retirent les toits de tôle qui recouvraient leur maison.
Doña Mago et ses voisins vivent à Puerto Marqués, une plage populaire du port touristique mexicain sur le Pacifique.
Les restaurants de fruits de mer sont totalement détruits. Ni l'électricité ni les communications ne sont encore revenues et l'eau et les vivres commencent à manquer.
"Je veux revenir dans ma maison", déclare Doña Mago à l'entrée de son logement effondré où elle vit avec sa fille et ses petits-enfants.
La veille, elle s'est sentie envahie par un sentiment d'abandon, à force d'attendre en vain l'aide des autorités locales ou fédérales.
- Sans touriste -
Un restaurateur, Omar Flores, revient dans son petit restaurant à côté de la plage de Puerto Marqués où lui et sa famille proposaient encore mardi des fruits de mer et du poisson aux touristes, quelques heures avant le passage de l'ouragan.
La cuisine est dévastée tout comme le toit mais le reste de son établissement a miraculeusement résisté aux vents et aux pluies diluviennes. Des bouteilles d'eau et de bières remplissent le frigo, à l'arrêt faute d'électricité.
"Ca va être un autre coup dur pour tous ceux qui travaillent comme nous sur la plage. Nous n'allons pas avoir de touristes", soupire Omar. "Rien qu'à penser à l'argent dont on va avoir besoin pour se relever... où va-t-on le trouver ?"
L'ouragan a touché Acapulco à quelques semaines du mois de décembre, qui marque le lancement de la haute saison touristique, regrette Juana Flores, qui fait sécher des vêtements, des maillots de bain et des chemisettes qu'elle vendait habituellement aux touristes.
"Nous ne savons pas ce qui va se passer", s'inquiète la femme âgée de 69 ans.
- Acapulco, si loin de l'âge d'or -
En une nuit, l'ouragan Otis a comme arraché et dispersé les pages du livre d'or d'Acapulco qui a commencé à s'écrire au milieu du XXe siècle avec des stars d'Hollywood en villégiature.
Tarzan-Johnny Weissmuller y avait une maison. Alors simple sénateur, John Kennedy y avait passé sa lune de miel avec Jacqueline Lee Bouvier, et Liz Taylor s'y est mariée pour la troisième fois.
Acapulco a servi de toile de fond à un film en 1963 ("Fun in Acapulco", 1963), dans lequel Elvis Presley saute du fameux rocher, plongeoir naturel à 45 mètres au-dessus des falaises et des vagues du Pacifique. "Le film a été tourné à Acapulco même, ainsi que dans les studios de la Paramount en Californie. Elvis Presley n'a pas mis les pieds au Mexique", précise la revue spécialisée AlloCiné.
En 1997, un précédent ouragan -- Paulina -- avait dévasté la ville, en laissant plus de 200 morts sur son passage.
A peine relevé, le port touristique du Pacifique mexicain a subi un nouveau revers dans les années 2000 avec la violence des cartels de la drogue qui a découragé les touristes.
Avec des investissements importants et des événements comme le tournoi ATP de tennis, remporté à plusieurs reprises par Rafael Nadal, Acapulco semblait retrouver sa place sur la carte des destinations touristiques du Mexique, avec Cancun, Oaxaca, la péninsule du Yucatan...
Cette fois-ci, l'ouragan Otis n'a rien épargné, ni le court de tennis, ni le parcours de golf, ni les plages couvertes d'ordures, de cadavres d'animaux, de vêtements, ni les résidences sur le front de mer.
Le coût des dégâts pourrait se chiffrer à environ 15 milliards de dollars, selon une première évaluation d'un expert en analyse des risques de la société Enki Research, cité par plusieurs médias dont l'agence financière Bloomberg.
Les compagnies d'assurances attendent les chiffres d'une commission spécialisée.
O.Mucciarone--PV