Dublin sur le qui-vive après des émeutes qui "font honte" à l'Irlande
Les autorités irlandaises ont renforcé vendredi leur dispositif de sécurité, au lendemain d'émeutes provoquées par l'extrême droite, faisant "honte à l'Irlande" selon le Premier ministre.
De nombreuses forces de l'ordre étaient présentes en centre-ville dans la soirée, selon un journaliste de l'AFP.
Pendant plusieurs heures jeudi soir, près de 500 émeutiers ont incendié des véhicules, pillé et saccagé des commerces et affronté la police, dans un quartier du centre de Dublin où vivent de nombreuses personnes immigrées.
Ces violences ont éclaté après qu'un homme armé d'un couteau eut agressé plusieurs personnes en début d'après-midi près d'une école à Dublin, faisait quatre blessés, une institutrice et trois enfants.
Une petite de fille de cinq ans était "dans un état critique" vendredi. L'enseignante se trouve dans "un état grave", selon la police.
Également blessé, l'agresseur a été maîtrisé et arrêté sur place, grâce notamment à l'intervention d'un livreur brésilien et d'un Français de 17 ans. Il s'agirait, selon le quotidien Irish Times, d'un homme ayant été naturalisé et vivant en Irlande depuis 20 ans.
Les forces de l'ordre ont imputé ces heurts à l'extrême droite, évoquant des rumeurs propagées sur les réseaux sociaux sur les origines de l'attaquant, dans un contexte de montée en puissance d'un discours anti-immigration.
"Le centre de Dublin est ouvert normalement" a voulu rassurer la police irlandaise sur X, avec un "plan de maintien de l'ordre renforcé".
Le responsable de la police irlandaise Drew Harris, qui a déploré "une extraordinaire explosion de violence" jeudi soir et des scènes inédites "depuis des décennies", a toutefois indiqué craindre de nouvelles violences, et deux canons à eau ont été envoyés d'Irlande du Nord dans l'après-midi.
- Millions d'euros de dégâts -
La police irlandaise a annoncé avoir arrêté 34 personnes. Un couvre-feu a été imposé à certaines, selon des médias irlandais.
Concernant l'assaillant, la police a simplement dit qu'il était âgé d'une cinquantaine d'années, et a exclu à ce stade un motif terroriste, sans préciser ses motivations.
Les émeutiers "affirment défendre les ressortissants irlandais", mais "ils font honte à Dublin, honte à l'Irlande", a fustigé le Premier ministre, Leo Varadkar, ajoutant plus tard que les dommages causés aux infrastructures publiques allaient coûter des "dizaines de millions d'euros".
La cheffe du principal parti d'opposition Sinn Fein, Mary Lou McDonald, a réclamé vendredi la démission du chef de la police irlandaise, Drew Harris, et de la ministre de la Justice Helen McEntee qui s'y est refusée lors d'une conférence de presse où elle a apporté son soutien aux forces de l'ordre.
Sur O'Connell Street, centre des violences, la vie a repris son cours malgré les dégâts encore visibles, dont des commerces aux vitrines brisées. Les carcasses des véhicules brûlés ont été enlevées, a constaté l'AFP.
"Je ne pouvais pas en croire mes yeux... c'était plus que du vandalisme et beaucoup de colère", a témoigné Robbie Hammond, coach sportif de 28 ans.
- "Semer le chaos" -
Dans les heures qui ont suivi l'attaque jeudi, plusieurs messages relayés sur X par des comptes anti-immigration ont fait circuler la rumeur que l'assaillant était un "immigré illégal".
Un site irlandais anti establishment, "Gript", avait indiqué jeudi avant les émeutes que l'assaillant serait "un ressortissant algérien".
Avivé par une crise du logement, un discours anti-immigration s'est développé ces dernières années en Irlande. Ces derniers mois, plusieurs manifestations ont eu lieu contre des projets d'hébergement pour demandeurs d'asile.
"La majorité des Irlandais accueillent favorablement les immigrés (...) mais depuis deux ou trois ans, un mouvement d'extrême droite qui utilise les réseaux sociaux pour répandre la désinformation et la peur à leur sujet a émergé", a indiqué à l'AFP Anne Holohan, professeure associée au Trinity College de Dublin.
L'association contre le racisme INAR a fustigé "les manipulateurs et les opportunistes" qui "profitent de cette période difficile" pour "semer le chaos".
Selon des chiffres officiels, les demandes d'asile ont été multipliées par plus de 5 en 2022 par rapport à 2021 en Irlande.
H.Ercolani--PV