Trump face à la cour d'appel qui examine sa demande d'immunité pénale
Les trois juges de la cour d'appel de Washington, saisie de la demande d'immunité pénale de Donald Trump en tant qu'ex-président, ont laissé percer leur scepticisme mardi lors des débats en présence de l'intéressé, accusé d'avoir tenté d'inverser illégalement les résultats de l'élection de 2020.
Le grand favori des primaires républicaines pour l'élection présidentielle de novembre, qui débutent le 15 janvier dans l'Etat de l'Iowa, cherche par ses multiples recours à reporter ses divers procès au pénal le plus tard possible, et en tout cas après le scrutin.
La juge Tanya Chutkan, qui présidera les débats à son procès fédéral pour ses tentatives présumées illicites d'inverser le résultat de l'élection de 2020, a rejeté le 1er décembre sa requête en immunité, considérant qu'aucun texte ne protégeait un ex-président contre des poursuites pénales.
"Permettre qu'un président soit poursuivi pour ses actes officiels ouvrirait une boîte de Pandore dont ce pays pourrait ne jamais se remettre", a affirmé mardi l'avocat de Donald Trump, John Sauer.
Il a évoqué la possibilité d'inculpation des ex-présidents George W. Bush et Barack Obama, respectivement pour les fausses informations sur les armes dont disposait l'Irak en 2003, et pour les éliminations de jihadistes par des frappes de drones.
- "Paradoxal" -
Les avocats de Donald Trump affirment qu'il jouit d'une "immunité absolue" pour ses actes alors qu'il était à la Maison Blanche. Ils invoquent une jurisprudence de la Cour suprême des années 1980 concernant des poursuites civiles contre l'ex-président Richard Nixon.
Ils arguent également qu'il ne peut être jugé dans cette affaire en raison de son acquittement lors de la procédure parlementaire en destitution à son encontre pour l'assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, lors duquel des centaines de ses partisans avaient tenté d'empêcher la certification de la victoire de son adversaire démocrate Joe Biden.
A une question de l'une des juges, Florence Pan, sur le fait de savoir si envoyer les forces spéciales assassiner un opposant politique ou vendre des grâces présidentielles relevait de ces actes officiels, John Sauer a répondu par l'affirmative.
"Il serait paradoxal de dire que son devoir constitutionnel de veiller au fidèle respect des lois l'autorise à violer le droit pénal", a rétorqué la présidente de la Cour, Karen Lecraft Henderson.
"Il n'y a jamais eu auparavant d'allégations selon lesquelles un président, avec des personnes privées et en utilisant les leviers du pouvoir, a tenté de fondamentalement subvertir la république démocratique et le système électoral", a plaidé pour sa part James Pearce, membre de l'équipe du procureur spécial Jack Smith, qui instruit le dossier.
- Cour suprême en réserve -
Dans sa décision, la juge Chutkan avait conclu que le précédent Nixon ne s'appliquait pas à des poursuites pénales contre un ex-président, et qu'une procédure de destitution ne constituait pas un procès pénal.
Mais l'appel de ses avocats a suspendu la procédure, ce qui pourrait faire dérailler le calendrier de ce procès qui doit débuter le 4 mars, s'est inquiété Jack Smith.
M. Trump, qui a plaidé non coupable dans cette affaire le 3 août 2023 à Washington, impute ses tracas judiciaires à l'administration du président Joe Biden, qu'il risque fort de retrouver sur sa route en 2024 pour une revanche de 2020.
En décembre, la Cour suprême a rejeté la demande de Jack Smith de statuer en urgence sur cette question, court-circuitant ainsi le processus d'appel classique et les délais qu'il implique.
Mais quelle que soit la décision de la Cour d'appel, selon toute vraisemblance celle des parties à qui elle donnera tort saisira la plus haute juridiction du pays.
Les neuf juges de la Cour suprême, six nommés par des présidents républicains et trois par des présidents démocrates, devront alors choisir de s'aventurer dans l'arène politique, ou au contraire de prudemment s'en abstenir.
Donald Trump est également poursuivi par la justice de l'Etat de Géorgie (sud-est) pour des faits connexes d'ingérence électorale, et devra en outre répondre devant un tribunal fédéral de sa gestion présumée négligente de documents confidentiels après son départ de la Maison Blanche.
E.M.Filippelli--PV