Jumelles et selfies: des touristes chinois à deux km d'une île taïwanaise
Excités, des curieux venus de Chine continentale se tiennent au sommet d'un petit bateau touristique. Ce qu'ils sont venus observer: l'île de Kinmen, située tout près des côtes chinoises mais contrôlée par les autorités taïwanaises.
Les Taïwanais éliront samedi leur nouveau président, un scrutin suivi de très près par Washington et Pékin car du vainqueur de l'élection dépendra l'avenir des liens entre Taipei et le continent.
Le président chinois Xi Jinping répète inlassablement que la réunification de Taïwan avec la Chine continentale, au destin séparé depuis plus de 70 ans et la fin de la guerre civile chinoise, est inévitable.
Et le gouvernement communiste a averti cette semaine qu'une victoire du favori à la présidence, Lai Ching-te, issu d'un parti indépendantiste, représenterait un "grave danger" pour les relations Pékin-Taipei.
A bord d'un bateau touristique à trois niveaux qui effectue jeudi une croisière près des îles Kinmen, situées à moins de cinq kilomètres de la Chine continentale, un touriste chinois dit également rêver d'une réunification "le plus tôt possible".
"Il y aurait des avantages. Par exemple celui d'avoir un pays prospère et un peuple fort", confie à l'AFP Huang Ling, un touriste de 41 ans originaire de la province du Hubei (centre de la Chine).
"Même si Taïwan est contrôlé par d'autres, on est tous chinois. Ce sont nos frères et nos soeurs."
- "Très curieux" -
Agé d'une cinquantaine d'années, un autre touriste qui ne souhaite donner que son patronyme, M. Chen, explique à l'AFP qu'il est "très curieux" de voir les îles Kinmen de près.
"L'ami de mon père était membre du Kuomintang (KMT, le parti nationaliste jadis au pouvoir en Chine continentale, NDLR) et a fui à Taïwan pendant la guerre", déclare-t-il.
Le Kuomintang et l'armée communiste s'étaient livrés une féroce bataille pour le contrôle de la Chine durant la guerre civile jusqu'en 1949.
"Ensuite, quand les voyages sont devenus possibles (entre la Chine continentale et Taïwan), quelque 30 ans plus tard, il est revenu et a rencontré mon père", explique l'homme. "Ils étaient si heureux de se revoir."
Peu de temps après le départ de la croisière, des vents froids sur les ponts supérieurs du bateau poussent la plupart des passagers à se mettre à l'abri au niveau inférieur.
Mais une demi-heure plus tard, le groupe de touristes s'anime: une annonce au haut-parleur vient d'indiquer que le bateau a atteint le point le plus proche de Kinmen.
La plupart se précipitent alors en haut du bateau, pour prendre des selfies ou des photos des côtes rocheuses situées en arrière-plan, perdues dans le brouillard à environ deux kilomètres de distance.
- "Un pays, deux systèmes" -
De retour sur la côte, dans la ville chinoise la plus proche, Xiamen, un immense slogan écrit en caractères chinois rouges proclame "Un pays, deux systèmes, réunifier la Chine".
Des touristes, certains drapeaux chinois à la main, posent pour des photos devant le message, écrit suffisamment grand pour pouvoir être aperçu depuis Kinmen, située en face.
"Un pays, deux systèmes" fait référence au concept politique qui a permis le maintien de systèmes politiques, différents du reste de la Chine, à Hong Kong et Macao lors de leur retour dans le giron chinois, respectivement en 1997 et 1999.
Haut lieu touristique toute l'année, les côtes en face de Kinmen voient affluer quotidiennement guides touristiques et visiteurs venus observer l'île avec des jumelles.
Juste à côté, des touristes se tiennent devant une sculpture en pierre faite de petites et grandes mains entrelacées, en essayant de prendre des photos avec leur smartphone à travers l'espace formé entre les paumes.
"Vous pouvez voir Taïwan à travers le trou au milieu!", explique un visiteur à un autre groupe de curieux.
P.Colombo--PV