A la frontière libanaise, les viticulteurs israéliens s'inquiètent pour leur récolte
Dans le nord d'Israël, des nuages noirs s'élèvent au-dessus des vignobles qui s'étendent jusqu'à la frontière libanaise où les échanges de tirs sont quotidiens entre le Hezbollah et l'armée israélienne.
Pour les vignerons de la région, le temps presse. Les vignes doivent être taillées avant le printemps, "sinon l'année est foutue", explique Alex Haruni, propriétaire du domaine Dalton Winery.
Il redoute que le déclenchement d'un conflit plus large entre Israël et le mouvement islamiste libanais Hezbollah ne mette sa récolte en péril.
La guerre contre le Hamas dans la bande de Gaza, qui a éclaté le 7 octobre, a confronté l'industrie viticole israélienne à de nombreux défis, notamment une pénurie de main-d'œuvre et une baisse de la demande.
Le Hezbollah affirme régulièrement viser des positions de l'armée israélienne à la frontière, en soutien aux Palestiniens à Gaza. Israël réplique en bombardant des cibles dans le sud du Liban.
En près de quatre mois, plus de 200 personnes en majorité des combattants ont été tuées dans le sud du Liban selon un décompte de l'AFP.
Dimanche, le ministre de la défense, Yoav Gallant, a indiqué avoir ordonné à l'armée de l'air israélienne de "pointer le nez des avions vers le nord et de se préparer à toute éventualité".
La dernière guerre entre Israël et le Hezbollah remonte à 2006.
Une pluie de roquettes s'est abattue sur le nord d'Israël au cours de cet été-là, mais un cessez-le-feu a été conclu à temps pour que les viticulteurs puissent récolter leurs raisins.
- Pénurie de main-d'œuvre -
Rami Na'aman, propriétaire d'un domaine viticole éponyme à Ramot Naftali, un village israélien près de la frontière libanaise, a été contraint de quitter la zone comme des milliers d'autres habitants du nord du pays.
Il ne peut se rendre à son établissement que deux fois par semaine, quand l'armée ne ferme pas les routes.
Migal, un institut de recherche israélien, a publié en novembre une enquête menée auprès de 389 agriculteurs, dont 76% prévoyaient une "baisse moyenne de 35% de la production et des revenus".
Le secteur agricole est confronté à "la plus grande crise de main-d'œuvre depuis la création de l'Etat" d'Israël en 1948, a averti récemment le ministère de l'Agriculture.
Des milliers de travailleurs étrangers ont fui le pays depuis le début de la guerre, des travailleurs agricoles israéliens ont été appelés dans l'armée en tant que réservistes et le gouvernement a interdit l'entrée à des dizaines de milliers de travailleurs palestiniens de la Cisjordanie occupée et de la bande de Gaza assiégée.
Eyal Miles cultive des vignes et des cerises autour de Kerem Ben Zimra, un hameau agricole qui abrite quatre exploitations viticoles à seulement six kilomètres du Liban.
M. Miles craint lui aussi de ne pas pouvoir tailler ses vignes d'ici le printemps.
Les ouvriers qu'il engage habituellement sur ses 7 hectares ont "peur de travailler ici en raison de la proximité de la frontière", a-t-il déclaré.
A la Dalton Winery, un obus du Hezbollah a endommagé les vignes d'une parcelle près de la frontière, obligeant depuis les ouvriers à porter des gilets pare-balles et des casques.
Environ 10% de ses vignes se trouvent dans des zones militaires fermées et inaccessibles et les viticulteurs se trouvent par ailleurs privés des visites de touristes, qui représentaient une part importante de leurs revenus.
- Demande en baisse -
M. Miles explique que l'essentiel de ses ventes provenait de la fréquentation des lieux, mais "depuis le 7 octobre, la cave est fermée", et les ventes en ligne ne permettent pas de couvrir le manque à gagner.
Et les viticulteurs doivent aussi faire face à une baisse de la demande.
La guerre a "clairement provoqué une baisse de la consommation de vin", a déclaré Haim Gan, expert en vin et fondateur de The Grape Man, un magasin de dégustation de vin.
Selon lui, l'appel de plus de 300.000 réservistes, le report des mariages et autres célébrations, ainsi que "l'atmosphère morose" de la guerre en sont probablement la cause.
A la Dalton Winery, Alex Haruni n'écarte pas des licenciements.
Il reste toutefois optimiste. "Nous surmonterons cette situation" malgré la menace de guerre. D'ici la fin du mois de mars, "tout sera taillé et tout sera prêt pour la prochaine récolte."
I.Saccomanno--PV