Rachat de La Provence: Niel récupère son droit de veto dans la bataille avec CMA CGM
Nouveau rebondissement jeudi pour le contrôle du groupe de presse régionale La Provence: l'homme d'affaires Xavier Niel, déjà actionnaire, conservera le droit de s'opposer à un candidat au rachat des parts du groupe de Bernard Tapie (GBT), a tranché la justice.
Deux candidats s'affrontent depuis des mois pour racheter les 89% détenus par GBT et prendre le contrôle des quotidiens La Provence et Corse Matin: NJJ via sa filiale Avenir Développement, et l'armateur CMA-CGM, géant du transport maritime basé à Marseille.
Deux liquidateurs judiciaires, dont le but est de récolter le maximum d'argent de la vente des actifs du Groupe Bernard Tapie pour payer les créanciers, sont aussi impliqués dans cette bataille.
En vertu des statuts de La Provence et d'un pacte d'actionnaires, NJJ, holding du fondateur de Free Xavier Niel -- déjà détentrice de 11% de La Provence -- peut, via une clause dite "d'agrément" (droit de veto), faire barrage à tout candidat au rachat des parts de GBT.
Début janvier, le tribunal de commerce de Marseille avait suspendu ce droit de veto, estimant qu'il constituait un "trouble manifestement illicite" dans le processus de liquidation du groupe de Bernard Tapie, l'homme d'affaires décédé en octobre.
La cour d'appel, saisie en référé (procédure d'urgence) par M. Niel lui a donné raison jugeant que "l'état de trouble" évoqué par les liquidateurs, qui demandaient la suspension du droit de véto, est "hypothétique" et que le dommage qui en résulterait "ne peut être considéré comme imminent".
"Il convient en conséquence d'infirmer la décision", conclut-elle dans une décision consultée par l'AFP.
Elle reconnait toutefois que, de "manière incontestable", il existe "un conflit d'intérêt" pour Avenir Développement, actionnaire de La Provence et en même temps candidate au rachat des parts Bernard Tapie, qui aurait un "intérêt à évincer tout autre potentiel acquéreur", un argument salué par l'avocate des six comités d'entreprises, Me Swarcz.
L'offre de CMA CGM, la seule retenue par le liquidateur car "mieux-disante" --81 millions d'euros contre 20 millions pour celle de Xavier Niel-- doit être approuvée, à l'unanimité, lors d'un Conseil d'administration (CA) de La Provence en principe prévu en avril.
Le groupe de Xavier Niel, déjà propriétaire du quotidien régional Nice-Matin, compte deux représentants sur cinq et disposera donc de son droit de veto. M. Niel est aussi actionnaire du Monde à titre individuel.
La clause d'agrément est "imposée par une disposition légale (...) la considérer comme manifestement illicite a priori et en suspendre l'application avant même toute délibération des membres du conseil d'administration, aurait pour effet de porter atteinte au droit de vote de l'ensemble des administrateurs prévu par la loi et les satuts", explique l'arrêt.
- "Urgent besoin d'un repreneur" -
"Il n’y avait pas beaucoup de doute sur cette décision", a réagi l'entourage de NJJ auprès de l'AFP.
La partie est pour autant loin d'être finie et le conseil d'administration sera crucial. Il suffit d'un seul vote de ses membres pour rejeter l'offre de la CMA CGM, seule retenue par les liquidateurs.
"Cette offre, à ce jour, on ne la connaît pas, donc nous ne savons pas si elle est dans l’intérêt social de la société", a indiqué l'entourage de NJJ Holding.
Néanmoins, si l'offre de l'armateur qui a obtenu l'approbation des six comités d'entreprises de La Provence était rejetée, le liquidateur pourrait envisager de nouvelles actions judiciaires.
"La cour d'appel dit qu'il était légèrement prématuré d'agir et qu'il fallait respecter le droit de vote du CA et que ce n'est qu'après qu'on pouvait agir", a souligné Me Bernard Vatier, avocat du liquidateur.
Dans l'entourage de NJJ, on souligne disposer toujours d'un droit de préemption permettant d'avoir la primeur du rachat des parts.
Si le montant de l'offre Niel était jugé trop faible, les liquidateurs pourraient demander la nomination d'un expert pour fixer un prix.
"Il ne faudrait pas que ce nouveau rebondissement ouvre la porte à des procédures occasionnant des délais qui mettraient en péril la survie du groupe", s'est inquiété dans un communiqué le Syndicat national des journalistes (SNJ), majoritaire.
"Nos titres et les 850 salariés de nos entreprises ont urgemment besoin d’un repreneur, d’investissements massifs, d’un projet, d'une ambition", a-t-il insisté.
A.Tucciarone--PV