La Cour suprême refuse aux Etats le pouvoir de déclarer Trump inéligible
La Cour suprême américaine a annulé lundi un arrêt de la justice du Colorado déclarant Donald Trump inéligible pour ses actes lors de l'assaut du Capitole, considérant qu'un Etat ne pouvait prendre une telle décision.
La Cour a statué unanimement à la veille du "Super Tuesday" lors duquel 15 Etats, dont le Colorado (nord-ouest), organisent simultanément leurs primaires pour l'élection présidentielle de novembre. Donald Trump, le favori des primaires républicaines, espère à cette occasion s'assurer définitivement l'investiture de son parti.
Comme lors des débats le 8 février, la Cour suprême ne s'aventure pas sur le terrain miné de la qualification des actes du président républicain sortant le 6 janvier 2021. Mais, comme l'avaient anticipé de nombreux experts, elle affirme que seul le Congrès, et non un Etat, est habilité à retirer un candidat du bulletin pour la présidentielle.
Donald Trump a rendu hommage aux neuf juges, dont trois nommés pendant son mandat, pour avoir "travaillé si rapidement, si diligemment et si brillamment".
"Vous ne pouvez pas éliminer quelqu'un de la course simplement pour complaire à un adversaire", a-t-il ajouté lors d'une intervention télévisée en direct de sa résidence privée en Floride (sud-est).
Sur la trentaine d'Etats dans lesquels des recours en inéligibilité ont été engagés contre lui, seuls trois ont abouti, dans le Colorado, le Maine (nord-est), qui vote également mardi, et l'Illinois (nord). Plusieurs Etats attendaient néanmoins que la Cour suprême se prononce pour statuer définitivement.
Il s'agit de la plus significative décision de la Cour suprême en matière électorale depuis sa décision controversée de 2000 donnant la victoire au républicain George W. Bush sur le démocrate Al Gore.
- "Motifs techniques" -
"Il ne s'agit en rien d'une victoire pour Trump", a réagi Noah Bookbinder, le président du groupe de citoyens anticorruption Crew, à l'origine de la procédure au Colorado, soulignant que la Cour suprême s'est prononcée uniquement "sur des motifs juridiques techniques" mais pas sur les faits.
La justice du Colorado a considéré que les actes de Donald Trump le 6 janvier 2021 relevaient du 14e amendement de la Constitution.
Cet amendement adopté en 1868 visait alors les partisans de la Confédération sudiste vaincue lors de la guerre de Sécession (1861-1865). Il exclut des plus hautes fonctions publiques quiconque se serait livré à des actes de "rébellion" après avoir prêté serment de défendre la Constitution.
Le 6 janvier 2021, des centaines de partisans du président sortant chauffés à blanc, notamment par ses allégations infondées de fraudes électorales, avaient pris d'assaut le Capitole, sanctuaire de la démocratie américaine, pour tenter d'y empêcher la certification de la victoire de son adversaire démocrate Joe Biden.
"Il est maintenant clair que Trump a mené la rébellion du 6-janvier et il appartiendra au peuple américain de faire rendre des comptes", a ajouté Noah Bookbinder.
La responsable des élections au Colorado, Jena Griswold, s'est déclarée "déçue par la décision de la Cour suprême privant les Etats" du pouvoir de retirer des bulletins de vote des candidats à des postes fédéraux.
Son homologue du Maine, Shenna Bellows, a indiqué revenir sur sa décision d'inéligibilité pour se conformer à celle de la Cour suprême et qu'en conséquence "les votes en faveur de M. Trump" mardi "seraient comptés".
- "Patchwork" -
"Parce que la Constitution donne au Congrès, et non aux Etats, la responsabilité de faire appliquer la section 3 (du 14e amendement) contre des titulaires de postes fédéraux et des candidats, nous annulons" la décision du Colorado, explique la Cour dans sa décision finale.
Laisser chaque Etat trancher séparément la question pourrait aboutir à un véritable "patchwork", dans lequel "un candidat pourrait être déclaré inéligible dans certains Etats et non d'autres, sur la base du même comportement", remarque-t-elle.
Les trois juges progressistes d'une part, et une juge conservatrice, d'autre part, ont néanmoins rédigé des motivations distinctes à l'appui de l'arrêt de la Cour suprême.
Elles reprochent au président de la Cour, John Roberts, et aux quatre autres conservateurs de l'institution, d'être allés au-delà du champ de cette affaire en fixant en outre les conditions dans lesquelles le Congrès pourrait exercer son pouvoir de disqualification d'un candidat.
U.Paccione--PV