Raid à l'ambassade : Quito a franchi une ligne rouge, dénonce Mexico
L'Equateur a franchi une ligne rouge avec son raid policier début avril contre l'ambassade mexicaine à Quito, créant un "précédent déconcertant" dans les relations diplomatiques mondiales, a déclaré Mexico mardi devant la plus haute juridiction de l'ONU.
Des policiers ont pénétré le 5 avril à l'intérieur de l'ambassade mexicaine dans la capitale équatorienne pour y arrêter l'ancien vice-président Jorge Glas, visé par un mandat d'arrêt pour corruption, qui s'y était réfugié.
"Il y a des limites dans le droit international qui ne doivent pas être franchies", a déclaré le représentant du Mexique, Alejandro Celorio Alcantara, devant les juges de la Cour internationale de justice (CIJ), qui siège à La Haye aux Pays-Bas.
"Malheureusement, l'Équateur a franchi cette ligne", a-t-il ajouté. L'affaire "crée un précédent déconcertant qui a des répercussions sur l'ensemble de la communauté internationale".
Le Mexique a rompu ses relations diplomatiques avec Quito après l'assaut, qui a provoqué un tollé international, et déposé une requête devant la CIJ dans laquelle il demande la suspension de l'Equateur par les Nations unies.
Lundi, la veille du début des audiences, l'Equateur a annoncé avoir de son côté présenté sa propre requête devant la CIJ contre le Mexique pour violation d'"une série d'obligations internationales" après l'asile accordé à M. Glas, 54 ans.
Mardi et mercredi, la CIJ entend les arguments des deux pays dans le cadre de la plainte déposée par le Mexique. Elle communiquera ultérieurement les dates d'audiences pour entendre la requête introduite par Quito.
- "Processus d'expulsion" -
Mexico demande à la CIJ de "suspendre l'Équateur en tant que membre des Nations unies" jusqu'à ce qu'il présente des excuses publiques "reconnaissant ses violations des principes et des normes fondamentaux du droit international", est-il écrit dans son recours.
Le Mexique souhaite également que les juges déclarent que cette juridiction est "l'organe judiciaire approprié" pour déterminer la "responsabilité" d'un État "afin d'engager un processus d'expulsion" de l'ONU.
Ce pays a fondé sa requête sur la Charte des Nations unies, sur le Pacte de Bogota de 1948 –-dont le but est d'obliger les États signataires à régler leurs différends de façon pacifique-– et sur la Convention de Vienne de 1961 qui garantit la protection du personnel diplomatique.
Le Mexique demande à la CIJ, créée après la Deuxième Guerre mondiale pour trancher les litiges entre pays, que des mesures d'urgence soient prises en attendant un jugement sur le fond de l'affaire, qui peut prendre des années.
Il réclame des "mesures immédiates" pour protéger son ambassade et ses autres locaux diplomatiques à Quito et pour "permettre au gouvernement mexicain de libérer les locaux diplomatiques et la résidence privée des agents diplomatiques".
Mexico souhaite également que la CIJ ordonne à l'Equateur de "s'abstenir de tout acte ou conduite susceptible d'aggraver (...) le différend dont la cour est saisie".
- "Illégal et arbitraire" -
Le président équatorien Daniel Noboa a estimé que le raid à l'ambassade était nécessaire pour appréhender M. Glas parce qu'il y avait un risque d'évasion, affirmant qu'il était prêt à régler tout litige avec le Mexique.
Jorge Glas s'était réfugié en décembre 2023 dans l'ambassade mexicaine, avant que la justice ne se prononce sur une affaire en cours de détournement de fonds, et y avait reçu l'asile politique.
Il avait été condamné en 2017 à huit ans de prison pour avoir participé au système de corruption de l'entreprise de BTP brésilienne Odebrecht puis libéré en 2022 à la suite d'un recours devant la justice.
La cour nationale de justice de l'Équateur (CNJ), qui a jugé "illégale et arbitraire" l'arrestation de M. Glas, a cependant conclu qu'il devait purger des peines antérieures dans deux autres affaires de corruption.
L'ex vice-président du dirigeant de gauche Rafael Correa (2007-2017) se trouve dans une prison de haute sécurité à Guayaquil, dans le Sud-Ouest de l'Équateur.
Plusieurs États d'Amérique latine ainsi que l'Espagne, l'Union européenne, les États-Unis et le secrétaire général de l'ONU, ont condamné le raid policier dans l'ambassade.
H.Lagomarsino--PV