Attaque jihadiste au Mozambique en 2021: TotalEnergies visé par une enquête pour "homicide involontaire"
Une enquête préliminaire a été ouverte contre TotalEnergies à Nanterre, où des survivants ou familles de victimes de la sanglante attaque de Palma (Mozambique) ont porté plainte contre le géant français des hydrocarbures pour homicide involontaire et non-assistance à personne en danger.
Après avoir recueilli les observations de TotalEnergies, qui menait un méga-projet gazier dans la région et est accusé d'une série de négligences, et celles des plaignants, le parquet appréciera "l'opportunité d'une poursuite, d'un classement ou d'investigations plus poussées", a-t-il indiqué à l'AFP.
"C'est une avancée positive et nous sommes heureux que le procureur français ait réagi rapidement en prenant en considération nos demandes", a commenté auprès de l'AFP Nicholas Alexander, plaignant sud-africain rescapé de l'attaque, qui dénonce la "part de responsabilité" de TotalEnergies dans cette affaire.
Anabela Lemos de Justiça Ambiental, militante des Amis de la Terre au Mozambique, espère que l'ouverture de cette enquête "marque une première étape positive pour tenir cette entreprise responsable des morts et destructions causées".
Sollicités par l'AFP, Me Henri Thulliez et Vincent Brengarth, avocats des plaignants, n'ont pas souhaité commenter. Ces derniers sont trois survivants et quatre ayants droit de deux victimes, de nationalités sud-africaine et britannique.
Samedi, un porte-parole de TotalEnergies a renvoyé vers une déclaration du groupe au moment du dépôt de plainte, en octobre 2023.
L'entreprise avait alors rejeté "fermement ces accusations" et invoqué "l'aide d'urgence que les équipes de Mozambique LNG", nom du méga-projet, "ont apportée et les moyens qu'elles ont mobilisés afin de permettre l'évacuation de plus de 2.500 personnes" du site d'Afungi, à une dizaine de kilomètres du centre de Palma.
L'attaque de Palma, revendiquée par le groupe Etat islamique (EI), débutée le 24 mars 2021, avait duré plusieurs jours.
Maputo ne compte qu'une trentaine de victimes, mais selon l'enquête sur place du journaliste indépendant Alexander Perry, le bilan s'élève à 1.402 civils décédés ou disparus, dont 55 sous-traitants.
Plusieurs d'entre eux s'étaient réfugiés dans un hôtel à la sortie de la ville, l'Amarula Lodge, assiégé plusieurs jours par les jihadistes. Au moins sept personnes ont été tuées en tentant de s'enfuir.
L'attaque a entraîné la suspension de ce projet chiffré à 20 milliards de dollars. Le PDG du groupe, Patrick Pouyanné, avait indiqué courant 2023 qu'il espérait le relancer avant la fin de l'année.
- "Le danger était connu" -
La plainte s'appuie sur deux rapports de sociétés de consulting, établis a posteriori, qui ont souligné l'absence de mesures de prévention.
"Le danger était pourtant connu, plusieurs villages avaient été attaqués avant l'attaque de Palma", avait remarqué Me Thulliez.
En 2019, une entreprise concurrente de TotalEnergies, Exxonmobil, avait renoncé à investir dans le projet et rapatrié son personnel.
Pour ce qui est de la "non-assistance", Total est accusé d'avoir refusé de fournir du carburant à une société militaire privée sud-africaine, DAG, qui avait commencé à évacuer des gens de l'Amarula Lodge par hélicoptère mais a dû stopper, selon Me Thulliez.
TotalEnergies assurait en octobre avoir fourni aux autorités du carburant pour les opérations d'évacuation mais avoir exclu tout soutien à DAG, alors accusée d'"exactions contre la population civile".
L'attaque minutieusement préparée sur Palma, ville de 75.000 habitants, a marqué une intensification dans une guérilla lancée en 2017 par des groupes jihadistes, connus localement sous le nom d'al-Shabab.
Les combats ont fait depuis plusieurs milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés dans cette province, Cabo Delgado, pauvre mais riche en gaz naturel.
Depuis juillet 2021, des milliers de soldats du Rwanda et de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) ont été déployés pour soutenir l'armée mozambicaine, aidant à reprendre le contrôle d'une grande partie de Cabo Delgado.
Cette enquête s'ajoute aux autres procédures judiciaires dans lesquelles TotalEnergies est mis en cause.
En juin, 26 Ougandais et des associations ont lancé une action civile à Paris pour demander "réparation" de divers préjudices (expropriations abusives, compensations insuffisantes...) en lien avec deux mégaprojets en Afrique de l'Est.
Des associations dont Darwin Climax Coalitions et Sea Shepherd France ont également déposé une plainte pénale le 22 septembre à Nanterre sur la responsabilité climatique de TotalEnergies, visant EACOP/Tilenga et plus largement ses investissements pétro-gaziers.
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D.Vanacore--PV