Climat: le monde n'est pas préparé à faire face aux incendies
Alors que des régions d'Amérique du nord et de l'Europe sont déjà confrontées aux flammes en ce début d'été, le monde n'est pas préparé à faire face à des incendies rendus toujours plus féroces par le changement climatique, mettent en garde des experts.
Des paysages de cendres sont déjà apparus cette année dans le sillage des vagues de chaleur au Canada, aux Etats-Unis, en Grèce ou en Turquie.
Si des moyens nouveaux ont été alloués dernièrement à la lutte contre les incendies, il n'en va pas de même pour l'anticipation de telles catastrophes, jugent les experts.
"On est toujours en train de rattraper notre retard", juge Stefan Doerr, directeur du Centre de recherche sur les incendies de l'université galloise de Swansea.
Prédire un incendie ou sa sévérité peut être difficile en raison des multiples facteurs en jeu, à commencer par la météo. Mais les feux deviennent plus gros et intenses en règle générale, estime le chercheur, coauteur d'une étude récente sur le sujet.
Le nombre et l'intensité des feux de forêt extrêmes, les plus destructeurs et les plus polluants, ont plus que doublé dans le monde depuis 20 ans, en raison du réchauffement climatique dû à l'activité humaine, selon une autre étude qui vient de sortir dans la revue Nature Ecology & Evolution.
- "Prévention" -
"Nous ne sommes clairement pas assez bien préparés pour faire face à cette situation", alerte Stefan Doerr.
Le changement climatique est l'une des causes principales du problème même si d'autres facteurs jouent aussi un rôle, comme l'utilisation des terres et la localisation des habitations.
Les incendies ne connaissant pas de frontières, les gouvernements se sont mis à les affronter conjointement, souligne Jesus San-Miguel, expert au Centre commun de recherche de l'Union européenne (UE).
Cette dernière a fortement développé le partage des ressources. Même des pays méditerranéens extérieurs à l'UE ont déjà bénéficié d'équipements de lutte contre les incendies ou d'aides financières, remarque le spécialiste. Mais cela n'est plus suffisant face à des incendies plus extrêmes.
"Nous avons des retours de nos collègues de la protection civile qui nous disent: +on ne peut plus combattre les feux, l'eau s'évapore avant même d'atteindre le sol+ ", raconte Jesus San-Miguel.
"On doit travailler plus sur la prévention", ajoute-t-il.
Le brûlage contrôlé, le recours à du bétail au pâturage ou à des moyens mécaniques pour débroussailler sont des moyens efficaces de limiter ce qui peut alimenter les incendies, explique Rory Hadden de l'université d’Édimbourg.
Autres solutions pour éviter les premières flammes et réduire la propagation: interdire les feux de camp et utiliser les routes comme coupe-feux, poursuit ce spécialiste.
Autant d'efforts financiers et de planification dont les résultat sont invisibles. "Quelle que soit la méthode ou la technique à laquelle vous avez recours... le résultat de cet investissement est que rien ne se passe, ce qui est très bizarre psychologiquement. Le succès c'est quand il ne se passe rien", remarque Rory Hadden.
- Mémoire courte -
Ce sont souvent les résidents et les communes qui prennent l'initiative de débroussailler autour des habitations et des bâtiments publics. Mais tous ne sont pas prêts à accepter le fait qu'ils sont dans une zone à risque.
"Les gens ne pensent pas que ça va leur arriver mais pourtant ce sera le cas", met en garde Jesus San-Miguel, évoquant des régions aux climats autrefois froids ou humides - comme le nord-ouest des Etats-Unis - qui ont connu d'importants incendies ces dernières années.
Face à ces évolutions, les pays s'adaptent et adoptent de nouvelles normes, du Canada aux pays scandinaves. Mais la meilleure réponse n'est pas toujours évidente, même dans les régions habituées aux feux, souligne Guillermo Rein, de l'Imperial College de Londres, et les leçons ne sont pas toujours tirées après un désastre.
"Les gens ont la mémoire très courte en matière d'incendies", estime ce spécialiste du sujet, prenant en exemple ceux qui sont intervenus en 2022 à l'est de Londres.
"Quand les feux sont là, tout le monde se pose des questions... Mais ensuite, au bout d'un an, les gens oublient", dit-il.
G.Riotto--PV