Argentine: soif de justice intacte 30 ans après l'attentat impuni contre la mutuelle juive
Des centaines de personnes ont à nouveau réclamé justice jeudi à l'occasion d'une cérémonie pour le 30e anniversaire de l'attentat à la bombe contre la mutuelle juive Amia qui a fait 85 morts à Buenos Aires, un crime toujours impuni.
Nombre d'entre elles ont brandi les portraits de leurs proches tués et ont déposé une bougie et une rose pour chacun d'entre eux devant le site où, le 18 juillet 1994, une camionnette piégée a explosé au siège de l'Association mutuelle israélite argentine, dans le centre de la capitale.
"Trente ans sans qu'une seule personne réponde de cet attentat. Trente ans que l'État argentin détourne le regard, accumulant retards et erreurs", a déclaré le président de l'AMIA, Amos Linetzky, blâmant "un piètre parquet".
Trois décennies après l'attentat, "nous ignorons encore beaucoup de choses, comme le lieu où la camionnette piégée a été assemblée et l'origine des explosifs", a-t-il souligné.
Il estime cependant que "la responsabilité du Hezbollah et de l'Iran a été clairement établie".
Depuis 2006, huit Iraniens, dont l'ancien président Ali Rafsandjani, sont recherchés par la justice argentine.
M. Linetzky a appelé le gouvernement du président argentin Javier Milei, présent aux commémorations, à faire de "l'affaire de l'Amia une véritable question d'État".
Mi-juin, la Cour interaméricaine des droits de l'Homme (CIDH) a considéré l'Argentine comme "responsable de ne pas avoir adopté de mesures raisonnables pour empêcher l'attentat" et de "ne pas s'être acquittée de son devoir d'enquêter avec la diligence requise et dans un délai raisonnable" sur ce drame.
"Près de trente ans après l'attentat, on ne sait toujours pas clairement ce qui s'est passé, qui étaient les responsables, ni les raisons pour lesquelles l'État a utilisé son appareil judiciaire" afin d'"entraver l'enquête", a déclaré dans son arrêt la CIDH, dont le siège est à San José, au Costa Rica.
- Contumace -
La semaine dernière, l’exécutif a présenté au parlement un projet de loi pour ordonner un procès par contumace, une procédure qui n'existe pas dans le système judiciaire argentin et qu'il demande d'appliquer dans la seule affaire de l'AMIA.
Une initiative rejetée par des membres de l'association "Mémoire active" de parents de victimes.
"Il est faux de dire que sans procès par contumace, la vérité ne pourra jamais être connue (...) Il est primordial que les accusés répondent", a déclaré jeudi Me Rodrigo Borda, avocat de l'association.
Il dit craindre qu'un procès par contumace "ne serve qu'à confirmer une hypothèse officielle sans preuves suffisantes".
La communauté juive en Argentine compte quelque 300.000 membres, ce qui en fait la plus grande d'Amérique latine.
Avant l'Amia, le pire attentat de l'histoire de ce pays, l'ambassade d'Israël à Buenos Aires avait été la cible en 1992 d'un attentat qui avait fait 29 morts et 200 blessés, et qui reste lui aussi à ce jour impuni.
M.Romero--PV