Bangladesh: la police met fin à près d'une semaine de grève dans la capitale
La police bangladaise a repris lundi ses patrouilles à Dacca, mettant fin à près d'une semaine de grève décidée au lendemain de la prise de contrôle du pays par l'armée et la fuite à l'étranger de l'ex-Première ministre Sheikh Hasina.
Les forces de l'ordre avaient disparu des rues de la mégapole de 20 millions d'habitants après la démission forcée de Mme Hasina au terme de 15 années de pouvoir.
La police est critiquée pour la répression meurtrière des manifestations antigouvernementales, au cours desquelles plus de 450 personnes ont été tuées, dont 42 agents.
Les forces de l'ordre ont accepté de reprendre le travail après des discussions nocturnes avec le nouveau gouvernement intérimaire, dirigé par le prix Nobel de la Paix Muhammad Yunus.
"C'est bon d'être de retour", a déclaré un policier, Snehasish Das, chargé de la circulation à une intersection très fréquentée. "Comme nous nous sentons en sécurité, nous avons repris le service".
Les manifestations, menées par des étudiants contre le gouvernement Hasina, étaient pour l'essentiel pacifiques avant l'intervention violente de la police.
Le Bangladesh expérimente une "révolution menée par les étudiants", a salué Muhammad Yunus devant la presse.
M. Yunus, 84 ans, est rentré d'Europe jeudi à l'appel des leaders étudiants pour succéder à Sheikh Hasina, 76 ans, qui s'était enfuie en hélicoptère pour l'Inde il y a une semaine avant que les manifestants prennent d'assaut sa résidence officielle à Dacca.
Le gouvernement de la dirigeante déchue est accusé de nombreuses violations des droits humains, dont les exécutions extrajudiciaires de milliers d'opposants politiques.
"J'ai dit (aux chefs du mouvement étudiant) +Je vous respecte, je vous admire. Ce que vous avez fait est absolument sans précédent+", a expliqué M. Yunus dimanche soir lors d'un briefing au siège temporaire au gouvernement.
Il a également dit aux étudiants: "Comme vous m'avez ordonné de faire ça, alors je suis votre ordre", a-t-il relaté.
Plusieurs alliés haut placés de Mme Hasina, dont le président de la Cour suprême et le gouverneur de la Banque centrale, ont démissionné après un ultimatum en ce sens des étudiants. "Légalement (...) toutes les étapes ont été suivies", a estimé l'économiste.
- "Attaques haineuses" -
Quelque 450 des 600 commissariats de police du pays ont été incendiés ou vandalisés depuis un mois, selon le syndicat de la police nationale.
Plusieurs avaient rouvert en fin de semaine dernière sous la protection de l'armée, institution tenue en plus haute estime pour avoir globalement refusé de participer à la répression.
En l'absence de la police, des étudiants se sont portés volontaires pour rétablir l'ordre, après des pillages et des représailles commis après la fuite de Mme Hasina qui ont notamment visé la communauté hindoue et d'autres minorités.
Dans son premier communiqué officiel dimanche soir, le gouvernement de M. Yunus a exprimé sa "grande inquiétude", promettant d'oeuvrer pour "mettre fin à ces attaques haineuses".
Les hindous, minorité religieuse la plus importante (8% de la population) dans ce pays de 170 millions d'habitants en majorité musulmans, sont considérés comme un appui indéfectible de la Ligue Awami, le parti de Mme Hasina, et ont régulièrement été visés par des violences lors de périodes de troubles.
Des centaines d'entre eux sont arrivés à la frontière avec l'Inde depuis la semaine dernière, demandant à pouvoir entrer dans le pays.
Le Jamaat, le plus grand parti islamiste du Bangladesh, a déclaré qu'il rencontrerait lundi des représentants hindous et d'autres minorités pour apaiser les tensions.
Le ministre de l'Intérieur Sakhawat Hossain a assuré n'avoir aucune l'intention d'interdire la Ligue Awami, qui a joué un rôle crucial dans l'indépendance du Bangladesh.
"Le parti a apporté de nombreuses contributions au Bangladesh, nous ne le nions pas", a expliqué le ministre. "Quand les (prochaines) élections se tiendront, (les candidats de la Ligue Awani) pourront se présenter aux élections".
M. Yunus a accepté de prendre les rênes du gouvernement intérimaire en tant que "conseiller principal", dans l'attente d'"élections libres" qu'il veut organiser "d'ici quelques mois".
Il avait été décoré du prix Nobel de la paix en 2006 pour son oeuvre pionnière dans la microfinance, qui a aidé des millions de Bangladais à sortir de la misère.
U.Paccione--PV