Au Pakistan, le regain de violences sunnites-chiites fait 32 nouveaux morts
Deux jours après des attaques anti-chiites meurtrières, au moins 32 personnes ont été tuées dans de nouvelles violences confessionnelles samedi dans le nord-ouest du Pakistan, pays majoritairement sunnite.
Depuis l'été, le conflit entre sunnites et chiites à Kourram, un district de la province de Khyber-Pakhtunkhwa frontalière de l'Afghanistan, a fait environ 150 morts, selon des sources concordantes, les hostilités reprenant à chaque fois malgré des trêves décrétées par des conseils tribaux (jirgas).
Ces violences où s'entremêlent des différends tribaux, religieux et fonciers sont récurrentes au Pakistan, où la minorité chiite se dit victime de longue date de discriminations et d'attaques, notamment à Kourram.
Jeudi, une dizaine d'assaillants avaient tiré à vue sur deux convois transportant des familles chiites sous escorte policière dans cette région montagneuse. Au moins 43 personnes avaient été tuées et "11 blessés" se trouvent toujours dans un état "critique", selon les autorités.
Vendredi soir, après une journée de cortèges funéraires sous haute tension à Kourram et de défilés de chiites dénonçant un "bain de sang", "la situation s'est détériorée", a rapporté à l'AFP un haut-gradé de la police sur place.
"Dans la soirée, des chiites en colère ont attaqué le marché de Bagan, principalement tenu par des sunnites", a-t-il affirmé. Et durant trois heures, "les assaillants munis d'armes légères et automatiques et d'obus de mortier ont tiré. Des sunnites ont répliqué".
Des témoins et des responsables rapportent que les assaillants ont déversé vendredi soir des bidons d'essence sur des échoppes.
- "Vision terrifiante" -
Rehan Muhammad, journaliste de 33 ans à Bagan, a raconté à l'AFP une nuit d'horreur, débutée par des tirs au crépuscule.
"J'ai compris que c'était une vengeance aux violences de jeudi. J'ai immédiatement pris les membres de ma famille pour les emmener vers la montagne à pied, malgré le frois mordant", dit-il.
De loin, ils ont regardé "les maisons en flamme, une vision terrifiante". "Tout le village était pris dans les flammes", poursuit-il.
"A l'aube, quelqu'un a crié que les assaillants étaient partis, je suis revenu devant ma maison et je n'ai rien trouvé d'autre qu'un tas de débris et de cendres".
Les violences ont touché différents villages, a annoncé à l'AFP un membre de l'administration locale, sous le couvert de l'anonymat, évoquant "32 morts: 14 sunnites et 18 chiites" et "317 magasins et plus de 200 maisons détruits".
En outre, depuis samedi matin "environ 300 familles ont fui vers Hangu et Peshawar", la capitale régionale "et d'autres familles se préparent à partir pour se mettre en sécurité", a-t-il poursuivi.
"Des efforts sont menés pour ramener la paix. Des forces de sécurité sont déployées et des jirgas sont réunies", a de son côté rapporté Javed Ullah Mehsud, un autre membre de l'administration locale.
Mais, note un autre responsable, "nous n'avons pas assez de policiers et de personnels administratifs" dans cette ancienne zone tribale où le gouvernement fédéral et même le gouvernement provincial qui siège à Peshawar peinent à prendre pied.
"Nous avons informé le gouvernement provincial que la situation était critique et qu'il fallait que des troupes supplémentaires soient déployées en urgence", a ajouté ce responsable, sous le couvert de l'anonymat.
- "Echec" des autorités -
A Kourram, les différends entre tribus d'obédiences diverses portent notamment sur la question des terres dans ce district où les codes d'honneur tribaux sont prégnants et l'emportent souvent sur l'ordre que les forces de sécurité peinent à faire régner.
Vendredi, des milliers de chiites avaient manifesté contre les violences confessionnelles au Pakistan, notamment à Parachinar, principale ville du district et bastion chiite.
A Kourram, de juillet à octobre, 79 personnes sont mortes dans des violences entre tribus chiites et sunnites souvent nées de différends pour la terre, selon la Commission pakistanaise des droits humains (HRCP), principale ONG de défense des libertés du pays.
La HRCP estime que "la fréquence de tels événements confirme que les gouvernements fédéral et provincial ont échoué à protéger la sécurité des citoyens ordinaires" et surtout à "contrôler la circulation d'armes dans la région".
Cette semaine, plusieurs attaques ont secoué le nord-ouest montagneux du pays, tuant au moins 20 soldats, tandis que sept policiers ont été enlevés une journée entière.
T.Galgano--PV