Les baigneurs bravent les roquettes sur une plage de l'est de l'Ukraine
Avec son sable blanc, ses cabines pour se changer et ses eaux translucides, la plage de Sloviansk, dans l'est de l'Ukraine, est tentante. Mais les explosions de roquettes et de missiles gâchent l'ambiance.
La zone de loisirs située au bord d'un lac est proche d'un des fronts les plus actifs de la guerre contre la Russie, au nord de Sloviansk, où l'armée ukrainienne tire depuis des bois et des villages pour tenter d'arrêter la marche des forces russes.
Les combats ne suffisent pas à dissuader certains amateurs de plage.
"Nous sommes juste venus ici pour nous promener et prendre quelques photos", explique Kostyantyn, 40 ans, en shorts et lunettes de soleil. "On voulait se baigner mais il fait trop frais", ajoute-t-il, alors que la région récemment écrasée de soleil connaît un rare jour nuageux.
"Une plage est une plage", dit-il en photographiant son ami Denys qui s'active sur des équipements sportifs en plein air.
Le front n'est qu'à une dizaine de kilomètres. L'armée ukrainienne a déclaré mercredi que les troupes russes tiraient sans discrimination afin de relancer leur offensive sur Sloviansk.
Le lac était autrefois célèbre pour ses eaux salées, auxquelles des vertus curatives étaient attribuées. Le sanatorium construit sur place a fermé ses portes.
"C'est joli, les gens viennent nager. On vient aussi pour voir les cygnes", confie Daniil, 39 ans, qui avec un groupe d'amis a pédalé le long de la plage pour aller acheter de la nourriture à Sloviansk.
- "Soyez heureux cet été" -
Daniil travaille comme ferronnier à la centrale électrique de Sloviansk, dans la ville voisine de Mykolaïvka, qui a cessé son activité à cause de la guerre.
Sur une cabane de plage, des lettres oranges claironnent "Soyez heureux cet été". Mais les chaises longues sont restées sous clé, les stands de glaces et un salon de massage sont fermés.
"On venait souvent avant la guerre", se rappelle Kostyantyn. "C'est la seconde fois seulement cette année".
Il dit qu'il aide à sa manière, à son échelle, nourrissant les chiens abandonnés par leurs propriétaires qui ont fui vers des zones plus sures d'Ukraine.
"Je n'ai pas peur parce que j'ai déjà été sous un bombardement", piégé sous des bombes russes dans un bus d'évacuation dans la région de Kharkiv (nord-est) fin février, raconte-t-il alors que de puissantes explosions se font entendre à l'arrière-plan.
"Avec ce qui se passe actuellement, on se rend compte que la vie n'est pas si dangereuse. La peur des gens est plus dangereuse, car ce dont ils ont peur devient réalité".
Depuis le début du conflit, ceux qui ont décidé de ne pas évacuer de la région sont devenus "très autoritaires et insensibles", se plaint-il. "Je crois que c'est une forme de stress nerveux".
"Il y a ceux qui attendent que les Russes arrivent", intervient son ami Denys. "Ils croient que ce sera mieux, qu'ils recevront une pension des Russes".
En 2014, Sloviansk avait été prise par les séparatistes prorusses. L'Ukraine n'avait réussi à récupérer la ville qu'après un long siège.
La ville auparavant verdoyante et un peu endormie n'a aujourd'hui plus de gaz ni d'eau courante et l'alimentation électrique est instable à cause de dégâts au réseau difficiles à réparer, selon la mairie.
Des piles de poutrelles en béton coupent la route menant de la plage à la ville, le long de laquelle des tranchées ont été creusées.
S.Urciuoli--PV