Birmanie: Aung San Suu Kyi placée à l'isolement dans une prison de la capitale
La junte birmane resserre encore un peu plus son étau autour d'Aung San Suu Kyi : l'ex-dirigeante, renversée l'année dernière et jusqu'ici assignée à résidence, a été transférée dans une prison de la capitale Naypyidaw.
"Conformément aux lois pénales (...), elle est désormais placée à l'isolement en prison", a déclaré jeudi dans un communiqué le porte-parole de l'armée, Zaw Min Tun, sans plus de précisions.
Depuis son arrestation lors du coup d'État du 1er février 2021, Aung San Suu Kyi était tenue au secret à Naypyidaw, accompagnée de plusieurs employés de maison et de son chien.
La lauréate du prix Nobel de la paix 1991 n'était autorisée à sortir que pour assister aux audiences de son procès-fleuve au terme duquel elle risque des dizaines d'années de détention.
Elle est désormais totalement seule sans son personnel ni son animal de compagnie qui n'ont pas été autorisés à la suivre, d'après une source proche du dossier.
"Elle est en bonne santé pour autant que nous le sachions", a ajouté la source, précisant que la sécurité autour de l'enceinte de la prison était "plus stricte qu'auparavant".
Aung San Suu Kyi "a tout sacrifié pour l'amour de son pays et de son peuple, mais (les militaires) sont ingrats et cruels"; "libérez Suu Kyi pour qu'elle puisse faire encore de bonnes choses pour notre pays", pouvait-on lire sur les réseaux sociaux.
- "Intimider" -
"La junte birmane se dirige vers une phase beaucoup plus punitive à l'égard d'Aung San Suu Kyi", a commenté Phil Robertson, directeur adjoint pour l'Asie de l'ONG Human Rights Watch.
"Ils tentent manifestement de l'intimider, elle et ses partisans".
Son procès, qui s'est ouvert il y a un an, va désormais se tenir dans le centre pénitentiaire où elle est incarcérée.
Elle est accusée d'une multitude d'infractions (violation d'une loi sur les secrets d'État datant de l'époque coloniale, fraude électorale, sédition, corruption...) et a déjà été condamnée à onze ans de détention.
Les audiences se tiennent à huis clos, ses avocats ayant interdiction de parler à la presse ou à des organisations internationales.
De nombreux observateurs dénoncent un procès uniquement motivé, selon eux, par des considérations politiques : exclure définitivement du pouvoir la fille du héros de l'indépendance, grande gagnante des élections de 2015 et de 2020.
Fin mai, des proches de l'ex-dirigeante ont déposé une plainte contre la junte auprès d'un groupe de travail de l'ONU, évoquant son "kidnapping judiciaire".
Le coup d'État contre Aung San Suu Kyi a fait plonger le pays dans le chaos.
Des milices locales secondées par des factions rebelles ethniques ont pris les armes contre les militaires.
La répression de la junte est féroce. Plus de 2.000 civils ont été tués par les forces de sécurité et plus de 11.000 sont détenus dans les geôles de l'armée, d'après une ONG locale.
Beaucoup d'opposants sont jugés dans le plus grand secret.
Début juin, les généraux ont annoncé la prochaine exécution de quatre détenus dont un ancien membre du parti d'Aung San Suu Kyi et un célèbre militant pro-démocratie. Il s'agira des premières exécutions judiciaires dans le pays depuis 1990.
Le ministère français des Affaires étrangères a récemment dénoncé "la politique de terreur" mise en oeuvre par la junte, qualifiée de régime "illégitime".
Sous les précédentes dictatures militaires, Aung San Suu Kyi a passé 15 ans en résidence surveillée dans sa propriété familiale de Rangoun, la plus grande ville du pays.
Elle reste une figure très populaire en Birmanie, même si son image internationale a été écornée par son incapacité à défendre la minorité musulmane des Rohingyas, victimes de discriminations et de graves exactions.
Mais elle a totalement disparu des radars depuis son arrestation, n'apparaissant que sur de rares clichés pris par les médias d'État au tribunal.
Aung San Suu Kyi a eu 77 ans dimanche. Lundi, elle a apporté un gâteau d'anniversaire qu'elle a mangé avec ses avocats avant l'audience du tribunal, d'après la source proche du dossier.
M.Romero--PV