Pour Washington, un tir israélien non-intentionnel a "vraisemblablement" tué la journaliste Abu Akleh
Les Etats-Unis ont jugé lundi que la journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh avait "vraisemblablement" été tuée par un tir provenant d'une position israélienne, sans raison de croire que sa mort ait été intentionnelle.
Les experts américains, à qui l'Autorité palestinienne avait confié la balle ayant tué la correspondante vedette d'Al-Jazeera alors qu'elle couvrait le 13 mai une opération militaire israélienne à Jénine, en Cisjordanie occupée, n'ont toutefois pas pu atteindre de conclusion définitive quant à l'origine du projectile, précise le porte-parole du département d'Etat, Ned Price, dans un communiqué.
Ces conclusions ont immédiatement donné lieu à des réactions contrastées côté israélien et palestinien: l'Etat hébreu a insisté sur le fait qu'il avait lui-même mené un examen de la fameuse balle, en présence de responsables sécuritaires américains, alors même que l'Autorité palestinienne s'était toujours refusée à lui confier la balle, tandis que Ramallah a dénoncé une tentative de "cacher la vérité".
"Nous n'acceptons pas les tentatives de cacher la vérité et nous n'avons pas peur d'accuser Israël (...) qui porte la responsabilité de l'assassinat de Shireen Abu Akleh", a ainsi commenté sur Twitter le ministre palestinien des Affaires civiles, Hussein al-Sheikh.
- Tir israélien, selon l'ONU -
La mort de Mme Abu Akleh, une journaliste très appréciée et reconnue d'Al Jazeera, a secoué le Proche-Orient.
Equipée d'un gilet pare-balles clairement marqué de la mention "presse" et d'un casque, elle avait été victime d'un tir à la tête et un autre journaliste avait été blessé par balle alors qu'ils s'étaient rendus aux abords du camp de réfugiés de Jénine, bastion des factions armées palestiniennes où les forces israéliennes menaient ce jour-là un raid.
Tant l'Autorité palestinienne qu'Al-Jazeera, ainsi que le pays finançant la chaîne, le Qatar, ont immédiatement accusé l'armée israélienne de l'avoir tuée.
Israël n'a cessé de rejeter ces accusations, affirmant qu'il est impossible de connaître l'origine exacte du tir, israélienne ou palestinienne, et continue d'exclure en tout état de cause un tir délibéré.
Le Haut-commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme a quant à lui conclu le 24 juin à une responsabilité de l'armée israélienne tout en excluant, à l'instar des Etats-Unis, un tir délibéré, une enquête néanmoins rejetée comme "sans fondement" par le ministre israélien de la Défense Benny Gantz.
- Famille "atterrée" -
De son côté, la famille de la journaliste s'est dite "atterrée" de l'absence de conclusion quant à l'origine du tir, dans un communiqué partagé sur Twitter.
Les autorités palestiniennes avaient toujours refusé de remettre le projectile fatal à l'armée israélienne et l'avait finalement confié aux Américains dans l'espoir d'une expertise indépendante.
Mais l'armée israélienne a dit lundi avoir elle-même mené un "examen balistique" du projectile -- de calibre 5,56 mm et tiré par un fusil semi-automatique Ruger Mini-14, selon le procureur palestinien -- en présence de "responsables sécuritaires américains".
Dans son communiqué, le département d'Etat américain indique simplement que l'"analyse scientifique extrêmement détaillée" a été menée par des experts "indépendants et d'une tierce partie, dans le cadre d'un processus supervisé" par les Etats-Unis.
Un responsable palestinien avait indiqué dimanche à l'AFP, sous le couvert de l'anonymat, que la possibilité qu'Israël examine la balle confiée aux Etats-Unis soulevait des questions quant à savoir si l'on pouvait "faire confiance aux Américains".
Pour le reste de leur analyse, les autorités américaines disent avoir eu ces dernières semaines un "plein accès" aux enquêtes des forces israéliennes et de l'Autorité palestinienne.
"Les Etats-Unis (...) continuent d'encourager la coopération entre Israël et l'Autorité palestinienne dans cette affaire importante" et "exhortent à ce que des comptes soient rendus" en la matière, a ajouté Ned Price.
Ces derniers développement interviennent moins de dix jours avant une visite du président américain Joe Biden en Israël et en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, dans le cadre de sa première tournée au Moyen-Orient depuis son accession à la Maison Blanche.
L.Bufalini--PV