Pénurie de personnel: le casse-tête des opérateurs de transport public
"On recrute des conducteurs." Confrontés à un manque criant de personnel cette année, les opérateurs de transport public doivent faire preuve d'ingéniosité pour maintenir une offre suffisante.
La rentrée 2022 a été marquée par une série de mesures d'"aménagement des plans de transport" --en clair un relâchement des fréquences-- un peu partout en France.
A Bordeaux par exemple, TBM a été contraint de réduire la fréquence de ses bus et tramways pendant une semaine début septembre en raison du manque de conducteurs.
La situation a temporairement été réglée grâce au recours aux intérimaires, aux heures supplémentaires et à la mobilisation des salariés non-conducteurs disposant du permis nécessaire.
Mais Pierrick Poirier, le directeur général de Keolis Bordeaux (groupe SNCF), qui exploite le réseau, dit être toujours à la recherche de 30 conducteurs d'ici à la fin de l'année.
A Pau, le "sous-effectif chronique" dénoncé par les syndicats a provoqué une grève très largement suivie le 1er septembre avec 85% de grévistes. "On est passés pas loin de la non-circulation totale des bus", a indiqué Philippe Castagno, de la CGT.
En région parisienne, pas de grève mais des trains supprimés sur certaines lignes, comme les RER C et D, exploités par la SNCF, toujours pour les mêmes raisons.
- Faible rémunération -
Il manque actuellement "une cinquantaine de nouveaux conducteurs" de trains SNCF en Ile-de-France (sur 2.650) et "moins d'une centaine" dans les TER (sur 5.500), soit "environ 1% des effectifs de conducteurs au plan national", selon un porte-parole de SNCF Voyageurs.
D'après lui, "cela n'a pas de conséquences à plus de 4% sur le plan de transport de la ligne la plus touchée par cette tension sur les effectifs".
Mais les syndicats comme Sud-Rail expliquent ces perturbations avant tout par "le faible niveau de rémunération proposé par la SNCF".
Selon son secrétaire fédéral, Erik Meyer, entre 40 et 50 trains ont été supprimés chaque jour en Auvergne-Rhône-Alpes jusqu'au 15 août, à cause du manque de personnel et dans les Hauts-de-France, la région a dû stopper ses versements à la SNCF en raison de trop nombreuses suppressions de trains. Outre les conducteurs, M. Meyer estime qu'il manque 300 personnes à la maintenance et 800 aiguilleurs dans tout le pays.
A la RATP, les problèmes concernent surtout le réseau de surface où il manque entre 1.500 et 1.800 conducteurs de bus, selon l'Unsa mais moitié moins d'après la direction.
"Aujourd'hui, on tourne en moyenne à 20% de service non assuré sur le réseau. Cela représente 800 à 1.000 services par jour", s'inquiète Arole Lamasse, secrétaire général de L'Unsa-RATP.
Dans les bus de région parisienne, des bandeaux inédits "on recrute des conducteurs" défilent quotidiennement.
- Fin du statut -
Mais à la SNCF comme à la RATP, les syndicats critiquent la fin de l'embauche au statut, responsable de ce désamour d'après eux.
Car si les salaires restent les mêmes, les avantages, retraite anticipée ou garantie de l'emploi, ont disparu.
Pour la responsable de la politique de recrutement de la SNCF Catherine Woronoff, "la fin du statut n'est pas un frein, c'est surtout le marché du travail qui a changé".
"La période Covid avec les confinements et le distanciel a fortement perturbé ces deux dernières années la vie de toutes les entreprises", explique un porte-parole de la SNCF.
Résultat, ces dernières rivalisent d'innovation pour attirer les candidats. Transdev --qui opère les réseaux de nombreuses villes dont Nantes, Rouen et Montpellier-- cherche 800 conducteurs d'ici à fin 2022, début 2023, déploie par exemple un bus pour l'emploi itinérant.
"Il est équipé d'un simulateur de conduite pour rencontrer les habitants au coeur de leur lieu de vie, valoriser le métier de conducteur et susciter de nouvelles vocations", explique l'opérateur, filiale de la Caisse des dépôts.
La RATP propose quant à elle une prime de 150 euros aux agents qui apportent un candidat si celui-ci est recruté.
La prime est même doublée si l'intéressé reste plus d'un an dans l'entreprise.
Reste une difficulté: "ne pas (...) recruter pour recruter", insiste le directeur général des transports publics du Choletais, Marc Delayer. "Il faut maintenir une qualité de recrutement maximum", dit-il.
L.Bufalini--PV