Iran: "aucune indulgence" vis-à-vis des manifestants, avertissent les autorités
Le chef du pouvoir judiciaire iranien a menacé dimanche de ne faire preuve d'"aucune indulgence" vis-à-vis des manifestants après neuf jours de protestations dans tout le pays contre la mort d'une jeune femme détenue par la police des moeurs, qui ont coûté la vie à 41 personnes.
Le président Ebrahim Raïssi avait auparavant appelé les forces de l'ordre à agir "fermement contre ceux qui portent atteinte à la sécurité et la paix du pays et du peuple".
Le chef du pouvoir judiciaire, Gholamhossein Mohseni Ejei, a lui insisté sur "la nécessité d'agir sans aucune indulgence" envers les instigateurs des "émeutes", a rapporté le site Web Mizan Online.
A l'étranger, des manifestations soutenant le mouvement en Iran ont eu lieu dans plusieurs pays samedi --au Canada, aux Etats-Unis, au Chili, en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Irak, pays voisin de l'Iran.
Les protestations ont été déclenchées le 16 septembre, le jour du décès de Mahsa Amini arrêtée le 13 septembre à Téhéran pour "port inapproprié des vêtements" dans la République islamique où le code vestimentaire pour les femmes est strict.
Ces manifestations sont les plus importantes en Iran depuis celles de novembre 2019, provoquées par la hausse des prix de l'essence, en pleine crise économique, qui avaient touché une centaine de villes en Iran et été sévèrement réprimées (230 morts selon un bilan officiel, plus de 300 selon Amnesty International).
Elles sont marquées par des affrontements avec les forces de sécurité et par des slogans hostiles au pouvoir, selon médias et militants. Depuis plusieurs jours, des vidéos en ligne montrent des scènes de violence à Téhéran et dans d'autres grandes villes comme Tabriz (nord-ouest). Sur certaines, on voit les forces de sécurité tirer en direction des manifestants.
- Manifestation progouvernementale -
Les autorités nient toute implication dans la mort de Mahsa Amini, 22 ans et originaire de la région du Kurdistan (nord-ouest). Mais depuis, des Iraniens en colère descendent tous les jours à la tombée de la nuit dans la rue pour manifester.
Le ministère iranien des Affaires étrangères a lui mis en cause les Etats-Unis, ennemi juré de l'Iran, dans les troubles.
Dimanche, il a convoqué séparément les ambassadeurs du Royaume-Uni et de Norvège: le premier, pour protester contre l'hébergement de chaînes de télévision qui "incitent aux émeutes" en Iran et le second pour dénoncer "les ingérences" du chef du Parlement norvégien dans les affaires iraniennes.
Depuis le début des manifestations, plus de 700 personnes ont été arrêtées dans une seule province du nord qui a communiqué sur les interpellations, mais sans doute beaucoup plus dans l'ensemble du pays. Le ministre iranien de l'Intérieur, Ahmad Vahidi, a appelé à poursuivre en justice "les principaux auteurs et meneurs des émeutes".
Selon le bilan officiel iranien non détaillé incluant manifestants et forces de l'ordre, 41 personnes ont été tuées en neuf jours de protestations.
Mais le bilan pourrait être plus lourd, l'ONG Iran Human Rights basée à Oslo faisant état d'au moins 54 manifestants tués.
Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) basé aux Etats-Unis, 17 journalistes ont été arrêtés en Iran depuis le début des protestations.
Comme il y a deux jours, une manifestation en faveur du gouvernement est en outre prévue dimanche après-midi à Téhéran, à l'appel des autorités.
- "Femmes courageuses" -
Des images virales des manifestations ces derniers jours ont montré des Iraniennes brûlant leur foulard.
Le parti réformateur de l'"Union du peuple de l'Iran islamique" a appelé l'Etat à annuler l'obligation du port du voile et à libérer les personnes arrêtées.
En Iran, les femmes doivent se couvrir les cheveux et le corps jusqu'en dessous des genoux et ne doivent pas porter des pantalons serrés ou des jeans troués, entre autres.
Amnesty International accuse les forces de sécurité de tirer "délibérément (...) à balles réelles sur des manifestants", appelant à une "action internationale urgente pour mettre fin à la répression".
Les connexions internet sont toujours perturbées dimanche, avec le blocage de WhatsApp et Instagram. NetBlocks, un site basé à Londres qui observe les blocages d'internet à travers le monde, a également fait état de celui de Skype.
Dans un nouveau message sur Instagram, le réalisateur iranien Asghar Farhadi, deux fois oscarisé, a exhorté les peuples du monde à "être solidaires" des protestataires en Iran et salué les "femmes courageuses qui mènent les manifestations pour réclamer leurs droits".
L.Bufalini--PV