Kabuga accusé d'avoir joué un rôle clé dans le génocide au Rwanda
Félicien Kabuga, financier présumé du génocide au Rwanda en 1994, a joué un rôle clé dans le massacre ethnique de la minorité tutsi, a déclaré l'accusation jeudi, lors de l'ouverture, en son absence, de son procès à La Haye.
Dernier suspect principal du massacre à être traduit en justice, l'ancien homme d'affaires de 87 ans, autrefois l'un des plus riches du Rwanda, est jugé pour avoir mis sa fortune et ses réseaux au service du génocide, livrant des machettes "en masse", selon l'accusation, et présidant une radio qui appelait au meurtre des Tutsi.
Apparu affaibli et en chaise roulante lors d'une audience préliminaire en août, Félicien Kabuga n'était pas présent à l'ouverture de son procès, plus d'un quart de siècle après le génocide qui a fait plus de 800.000 morts, selon l'ONU, essentiellement au sein de la minorité tutsi.
"28 ans après les événements, ce procès vise à demander des comptes à Félicien Kabuga pour son rôle substantiel et intentionnel dans ce génocide", a déclaré le procureur Rashid S. Rashid devant un tribunal des Nations unies.
Détenu au quartier pénitentiaire des Nations unies à La Haye depuis son arrestation en 2020 près de Paris, après 25 ans de cavale, il est notamment accusé d'avoir participé à la création des milices hutu Interahamwe, bras armé du régime génocidaire hutu.
"Pour soutenir le génocide, Kabuga n'a pas eu besoin de brandir un fusil ou une machette à un barrage routier ; au lieu de cela, il a livré des armes en masse et a facilité la formation qui a préparé les Interahamwe à les utiliser", a ajouté M. Rashid.
"Il n'a pas eu besoin de prendre un microphone pour appeler à l'extermination des Tutsi à la radio ; il a plutôt fondé, financé et servi comme président de la station de radio RTLM qui diffusait la propagande génocidaire à travers le Rwanda", a-t-il poursuivi.
Félicien Kabuga a plaidé non coupable lors d'une première comparution en 2020 devant le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (le "Mécanisme"), chargé d'achever les travaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).
- "Appels à l'extermination" -
Le juge président Iain Bonomy a déclaré jeudi que le procès devait suivre son cours normal malgré l'absence de M. Kabuga, qui a décidé de ne pas assister à l'audience en raison d'un différend concernant son avocat.
En amont de l'ouverture du procès, il a publié une déclaration disant qu'il avait perdu confiance en son avocat, Emmanuel Altit, mais que le tribunal avait refusé de le laisser en choisir un autre.
En 1994, Félicien Kabuga était président de la tristement célèbre Radio télévision libre des Mille collines (RTLM), qui a diffusé des appels au meurtre des Tutsi.
"La rhétorique haineuse de la RTLM s'est transformée en appels manifestes à l'extermination" de la minorité tutsi, a déclaré le procureur Rupert Elderkin, affirmant que les propos diffusés par la radio "étaient comparables à la propagande nazie sur les Juifs".
Selon l'accusation, il a en personne distribué des armes lors de rassemblements Interahamwe, disant aux milices de "finir le travail".
Ses avocats ont tenté de le faire échapper à un procès au vu de son état de santé, mais les magistrats ont estimé que celui-ci n'était pas incompatible avec le procès.
L'accusation présentera plus de 50 témoins lors du procès de Félicien Kabuga, l'un des derniers suspects clés du génocide rwandais à être traduit en justice, après 62 condamnations déjà prononcées par le TPIR.
D'autres, comme Augustin Bizimana, l'un des principaux architectes du massacre, et Protais Mpiranya, ancien commandant du bataillon de la Garde présidentielle des forces armées rwandaises, sont morts sans avoir affronté la justice internationale.
Le procès de Félicien Kabuga est très attendu au Rwanda, particulièrement dans son village natal de Nyange, au nord-ouest de Kigali.
"Il s'agit d'une étape importante dans les efforts visant à garantir (que soient établies) les responsabilités de la planification, de l'ordre et de l'exécution du génocide au Rwanda", a déclaré Human Rights Watch avant l'ouverture du procès.
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F.Dodaro--PV