La sportive iranienne Elnaz Rekabi accueillie en héroïne à Téhéran
La sportive iranienne Elnaz Rekabi, qui a participé sans voile à une compétition d'escalade en Corée du Sud, est rentrée mercredi à Téhéran, accueillie en héroïne par ses partisans à l'aéroport.
Sa participation aux championnats d'Asie d'escalade, portant seulement un bandana sur la tête, avait été interprétée comme un geste de solidarité avec les manifestations déclenchées le 16 septembre par la mort de la jeune Kurde iranienne Mahsa Amini.
Celle-ci est décédée trois jours après son arrestation à Téhéran par la police des moeurs qui lui reprochait d'avoir enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique d'Iran pour les femmes.
Le voile est obligatoire pour toute les femmes dans l'espace public en Iran, et la République islamique impose aux sportives iraniennes de le porter lorsqu'elles disputent des compétitions à l'étranger sous les couleurs nationales.
A deux reprises depuis mardi, Elnaz Rekabi, 33 ans, a présenté des "excuses" et expliqué que son foulard avait glissé par erreur. Mais des militants des droits humains ont estimé que ces déclarations, devant la presse et sur les réseaux sociaux, avaient pu être obtenues sous la pression.
"Elnaz est une héroïne", "Bravo Elnaz", ont crié des dizaines de personnes rassemblées devant le terminal de l'aéroport de Téhéran pour accueillir la jeune femme sous les applaudissements et les hourras, brandissant des téléphones portables pour la filmer.
- "Mes excuses" -
La foule, où se trouvaient des femmes ne portant pas le voile, a entouré une camionnette et une voiture où a pris place la sportive.
Elnaz Rekabi, accompagnée de membres de sa famille, a été reçue dans la journée par le ministre des Sports Hamid Sajjadi, selon un communiqué officiel.
L'accueil à l'extérieur de l'aéroport est "digne d'une héroïne, y compris de la part de femmes sans le voile obligatoire. Les inquiétudes demeurent pour sa sécurité", a commenté l'ONG Center for Human Rights in Iran (CHRI), basée en Iran.
Vêtue d'un blouson à capuche noir et d'une casquette de baseball, Elnaz Rekabi a été accueillie dans le terminal par ses proches, avant de s'adresser aux médias.
"En raison du climat qui régnait pendant les finales de la compétition et du fait que j'ai été appelée à prendre le départ quand je ne m'y attendais pas, je me suis retrouvée emmêlée dans mon équipement technique (...). A cause de cela, je n'ai pas fait attention au foulard que j'aurais dû porter", a-t-elle raconté.
"Je suis rentrée en paix en Iran, en parfaite santé et selon le programme prévu. Je présente mes excuses au peuple iranien pour les tensions créées", a-t-elle déclaré, ajoutant ne pas avoir "l'intention de dire au revoir à l'équipe nationale".
- "Pas intentionnelle" -
Mais l'Iran a plusieurs fois été accusé de provoquer des aveux ou des déclarations forcées.
L'actrice britannique d'origine iranienne Nazanin Boniadi, ambassadrice pour Amnesty International au Royaume-Uni, a estimé que la sportive avait été "forcée de faire cette déclaration par les autorités, coutumières des confessions forcées à la télévision".
"On peut voir la peur dans ses yeux. Elle ne fait que répéter ce qu'on lui a dit", a écrit sur Twitter le journaliste iranien en exil Maziar Bahari.
Amnesty International a souligné que la jeune femme était de retour "au risque d'une arrestation arbitraire, de torture et d'autres mauvais traitements".
Mardi déjà, la sportive avait présenté sur Instagram "des excuses pour l'inquiétude" qu'elle a pu causer et assuré que la décision de retirer son voile n'était "pas intentionnelle".
Dimanche, Elnaz Rekabi portait un bandana lors de l'épreuve d'escalade de bloc et un bandeau laissant apparaître ses cheveux lors d'une seconde épreuve, selon les images diffusées par la Fédération internationale d'escalade. Elle s'est classée quatrième à la compétition.
Après le début des manifestations en Iran, plusieurs sportives iraniennes se sont exprimées en faveur des droits des femmes.
Les protestations, les plus importantes depuis plusieurs années en Iran, se poursuivent depuis plus d'un mois malgré la répression qui a fait au moins 122 morts selon un bilan de l'Iran Human Rights (IHR) basée à Oslo.
Les autorités s'apprêtent en outre à "criminaliser" la vente de réseaux privés virtuels, ou VPN, utilisés afin de contourner les restrictions imposées sur l'internet en Iran pour limiter les manifestations.
Les dirigeants iraniens accusent principalement les Etats-Unis, ennemi juré de l'Iran, d'être derrière les protestations qu'ils qualifient d'"émeutes" et rejettent les sanctions imposées par les Occidentaux.
C.Conti--PV