Migrants: la pression s'accentue sur l'Italie qui assigne un port à un navire allemand
L'Italie, sous pression pour laisser accoster les bateaux humanitaires ayant secouru des centaines de migrants en Méditerranée, a fini par accorder vendredi un port sûr au navire de l'ONG allemande SOS Humanity.
Le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani a annoncé, au cours d'une conférence de presse dans la soirée à Rome, que le navire Humanity 1 se dirigeait vers Catane.
Dès qu'il sera arrivé dans la rade de ce port sicilien, des médecins monteront à bord pour vérifier l'état de santé des 179 migrants qu'il a secourus en Méditerranée.
"Il pourra rester dans nos eaux territoriales le temps nécessaire pour que nous examinions toutes les urgences à bord. Nous accepterons toutes les personnes par exemple parce qu'elles sont mineures, ou parce que, d'après ce que nous savons des médias, ce sont des femmes enceintes ou avec de jeunes enfants, des personnes qui ont la fièvre", a-t-il assuré.
Mais "toutes les personnes qui ne remplissent pas ces critères devront être reconduites hors de nos eaux territoriales par le navire", a-t-il prévenu.
Plus de 1.000 migrants tentant de rejoindre l'Europe se trouvent actuellement sur des navires de secours en mer, dont 234 sur l'Ocean Viking de l'ONG SOS Méditerranée, qui opère en partenariat avec la Fédération internationale de la Croix-Rouge, et 572 sur le Géo Barents de Médecins sans frontière (MSF). S'y ajoutent ceux à bord de l'Humanity 1 et le Rise Above de l'organisation Lifeline (94 migrants secourus).
Une "révolte" à bord menacerait le Rise Above qui pourrait lui aussi être autorisé à approcher les côtes italiennes, a laissé entendre M. Tajani.
Dès jeudi, l'Allemagne avait envoyé une note diplomatique à l'Italie, demandant "au gouvernement italien d'apporter rapidement son aide" au vu de l'urgence humanitaire. Face à la dégradation de la météo en mer, l'ONG SOS Méditerranée, dont le siège est à Marseille, avait en effet exhorté la France, l'Espagne et la Grèce à l'aider à trouver un port de débarquement le plus rapidement possible.
Jusqu'ici, vingt demandes de ports sûrs ont été formulées par l'ONG, sans succès.
La France s'est toutefois déclarée prête vendredi à accueillir des femmes et des enfants.
"Nous avons dit à nos amis italiens, avec nos amis allemands, que nous sommes prêts à prendre bien évidemment une partie des femmes et des enfants, comme nous l'avons fait précédemment", a déclaré le ministre de l'Intérieur français Gérald Darmanin sur les chaînes RMC/BFMTV.
"Je veux remercier la France pour cette ouverture. C'est un signal important", a réagi le chef de la diplomatie italienne.
- "Eviter des souffrances" -
SOS Méditerranée a également salué l'annonce de la France mais "toute journée d'attente supplémentaire pourrait avoir de graves conséquences", a mis en garde la directrice et cofondatrice de l'ONG Sophie Beau.
Sur l'Ocean Viking, qui se trouve au large de la Sicile, "les passagers secourus sont calmes, même si certains commencent à montrer des signes de mal de mer. Cela fait aujourd’hui exactement deux semaines depuis la première opération de sauvetage", a expliqué à l’AFP un photographe présent à bord.
"La mer est de en plus grosse. Il pleut et la pluie devrait redoubler dans la soirée", a-t-il témoigné.
Avec l'arrivée de l'extrême droite au pouvoir à Rome, les dirigeants italiens ont multiplié les déclarations antimigrants.
Le ministre italien de l'Intérieur Matteo Piantedosi a annoncé avoir émis une directive avertissant les forces de police et les autorités portuaires que son ministère envisageait une interdiction d'entrée dans les eaux territoriales de l'Ocean Viking et du Geo Barents, tous deux sous pavillon norvégien.
La communauté catholique italienne de Sant'Egidio, qui joue le rôle de bras diplomatique informel du Vatican, a appelé vendredi "l'Europe, et en particulier les pays dont les ONG battent pavillon, de trouver un accord pour relocaliser les demandeurs d’asile" arrivés sur le sol italien.
Mais le gouvernement norvégien a décliné auprès de l'AFP toute "responsabilité (...) envers les personnes embarquées" à bord des navires.
Pour la directrice générale de l'association d'aide aux migrants France terre d'asile, Delphine Rouilleault, sur Twitter, un "bras de fer (...) est sans doute un passage obligé pour ne pas laisser l'Italie piétiner le droit international".
Depuis le début de l'année, 1.765 migrants ont disparu en Méditerranée, dont 1.287 en Méditerranée centrale, la route migratoire la plus dangereuse au monde, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
D'après le ministère italien de l'Intérieur, 85.991 personnes sont arrivées par la mer en Italie entre le 1er janvier et le 2 novembre 2022, dont la moitié sont des ressortissants de Tunisie, d'Egypte et du Bangladesh.
S.Urciuoli--PV