Iran: dix morts dans des attaques, la contestation ne faiblit pas
Des assaillants armés à moto ont tué dix personnes en Iran, dans deux attaques mystérieuses survenues alors que les manifestations déclenchées par la mort de Mahsa Amini ne montraient aucun signe de répit jeudi.
Un manifestant a par ailleurs été tué jeudi à Boukan, en Azerbaïdjan occidental, a annoncé le groupe de défense des droits humains Hengaw, qui avait fait état la veille de dix morts dans des combats de rue entre manifestants et forces antiémeute dans les régions à population kurde de l'ouest du pays.
Malgré une répression meurtrière, les autorités semblent avoir du mal à contenir la vague de protestation déclenchée le 16 septembre par la mort de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans arrêtée par la police des moeurs pour avoir enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique.
Un appel à trois jours de mobilisation entre mardi et jeudi avait été lancé pour commémorer le "Novembre sanglant" de 2019, lorsque des manifestations déclenchées par la hausse des prix du carburant avaient entraîné des violences meurtrières à travers le pays.
Dirigé au départ contre l'obligation pour les femmes de porter le voile, le mouvement actuel cible désormais le régime religieux, confronté à un défi sans précédent depuis la Révolution islamique de 1979.
- Attaque sur un marché -
Sans qu'un lien puisse être établi avec ce mouvement, des assaillants à moto ont ouvert le feu à l'arme automatique et tué sept personnes, dont une femme et deux enfants de 9 et 13 ans, mercredi à Izeh, dans la province du Khouzistan (sud-ouest), selon des responsables.
"Un groupe terroriste a profité d'un rassemblement devant le marché central pour ouvrir le feu sur des manifestants et des forces de l'ordre", a rapporté l'agence officielle Irna.
L'attaque, qui a fait huit blessés, est la seconde attribuée par les autorités à des "terroristes" depuis le début du mouvement de protestation, après un attentat revendiqué par le groupe jihadiste Etat islamique (EI) qui a fait 13 morts le 26 octobre dans un sanctuaire musulman de Chiraz, dans le sud de l'Iran.
Mais un membre de la famille du garçon de 9 ans tué mercredi, identifié comme Kian Pirfalak, a accusé les forces de sécurité d'avoir mené l'attaque d'Izeh, selon une information de Radio Farda, une radio en persan financée par les Etats-Unis et basée à Prague.
"Il rentrait chez lui avec son père et a été atteint par des balles tirées par le régime corrompu de la République islamique. Leur voiture a été attaquée de toutes parts", a raconté cette personne à la radio.
Le président ultra-conservateur Ebrahim Raïssi a donné l'ordre aux autorités "d'agir promptement pour identifier les auteurs de l'attaque et les remettre à la justice pour qu'ils soient punis", selon l'agence Fars.
Quatre heures plus tard, à Ispahan, la troisième ville d'Iran, dans le centre du pays, deux assaillants à moto ont tiré à l'arme automatique, tuant un officier de police et deux paramilitaires de la milice des Bassidji, et faisant sept blessés, selon les médias.
- "Faux procès" -
Ailleurs dans le pays, les forces de sécurité ont été accusées d'avoir tué au moins dix personnes en 24 heures lors de manifestations à Boukan, Kamyaran, Sanandaj ainsi qu'à Saghez, la ville natale de Mahsa Amini au Kurdistan, a annoncé Hengaw tard mercredi.
Selon cette ONG de défense des Kurdes d'Iran basée à Oslo, des grèves étaient observées jeudi notamment dans ces quatre villes.
Au moins 342 personnes ont été tuées dans la répression du mouvement, dont 43 enfants et 26 femmes, selon un bilan établi mercredi par Iran Human Rights (IHR), une autre ONG basée à Oslo.
Selon IHR, au moins 15.000 personnes ont été arrêtées, un chiffre démenti par Téhéran.
Les autorités font état de 2.000 inculpations, accusant les "ennemis" de l'Iran de chercher à déstabiliser le pays.
Depuis dimanche, la justice iranienne a condamné à mort cinq personnes inculpées pour leur implication dans les manifestations.
Amnesty International a dénoncé mercredi "l'usage effrayant de la peine de mort" par l'Iran "afin de réprimer le soulèvement populaire avec une brutalité accrue". Selon l'ONG, les autorités iraniennes ont demandé la peine capitale pour au moins 21 personnes lors de "faux procès visant à intimider" les manifestants.
H.Ercolani--PV